Les foyers de la contestation sociale se multiplient dans le sud du pays. Après Ghardaïa, secouée par une crise intercommunautaire qui s'est inscrite dans la durée, et Ouargla où le collectif des jeunes chômeurs s'est distingué tout au long de l'année qui vient de s'achever par des actions spectaculaires de protestation pour l'accès à l'emploi, c'est au tour de la localité d'In Salah d'être sous les feux de l'actualité. Les citoyens de cette région riche en gaz et en eau souterraine sont sortis, ce week-end, dans la rue pour exiger l'arrêt du programme d'exploitation du gaz de schiste, dont le premier forage, mis en service à titre expérimental dans cette partie du grand Sud, a été inauguré la semaine dernière par Youcef Yousfi, ministre de l'Energie. Pour bien montrer leur détermination à ne pas lâcher prise jusqu'à la satisfaction de leur revendication, les contestataires ont tenu à frapper les esprits par cette initiative lourde de conséquences de bloquer symboliquement, lors de cette journée de protestation, l'accès aux champs gaziers. Les pouvoirs publics ont été surpris par la réaction de la population locale que l'on a sous-estimée et considérée peu encline à se mobiliser autour de préoccupations aussi «doctes» que l'on croyait être le seul apanage des politiques. Il est dommage que les pouvoirs publics n'aient pas perçu ce signal fort de la population d'In Salah comme un signe de vitalité de la société et une action citoyenne pour leur envoyer, comme de coutume, les forces antiémeute érigées en instrument de dialogue dans le traitement des conflits ! La symbolique de ce mouvement est en effet forte pour n'entrevoir que des tentations velléitaires de quelques mains manipulatrices qui ne voudraient pas que l'Algérie figure, de par ses réserves prouvées en gaz de schiste, dans le gotha des pays producteurs. Les habitants d'In Salah sont sortis dans la rue non pas pour réclamer des logements, du travail, leur part de la rente pétrolière, mais pour un combat existentiel. Ont-ils raison ? Ont-ils tort ? Leurs craintes quant aux conséquences du recours au procédé technique de la fracturation hydraulique sur l'environnement et les nappes phréatiques qui constituent une source de vie vitale pour ces régions désertiques sont-elles fondées ? Sont-elles exagérées ? Comment pourrait-on le savoir alors que ce dossier si sensible, qui fait polémique partout dans le monde où le débat est sur la table, est géré chez nous dans le plus grand secret ? On a vu comment en France les partis politiques, la société civile, les écologistes, les experts, les parlementaires, le gouvernement se sont emparés de ce dossier à travers un débat public intense pour enfin trancher de manière consensuelle en faveur du rejet de l'option du gaz de schiste. Face à la démission de la classe politique, du Parlement, du mouvement associatif que l'on n'a pas beaucoup entendu sur ce dossier, le gouvernement a tenté un passage en force en imposant le fait accompli en dehors de toute concertation avec les forces vives du pays et les experts. Les événements d'In Salah gagneraient à être médités par les décideurs pour ouvrir avec courage, lucidité et responsabilité un débat public sur ce dossier controversé afin de prendre les décisions, les plus appropriées, qui soient conformes aux intérêts stratégiques du pays. Loin de tout dogmatisme.