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Bonnes feuilles. Nouvelle
Zembla
Publié dans El Watan le 15 - 08 - 2006

« Youcef, Salim, nous allons au dépotoir pour les bouteilles ? », demanda Sebti. Avant qu'ils n'aient pu répondre, Maâmar leur proposa : « Si on allait à oued Seybouse, aux orangeraies... ?
Et les gardes champêtres ? s'inquiéta Youcef.
Oh ! ceux-là ! Dès midi, ils sont en train de péter dans leur hutte ! J'y suis allé plusieurs fois avec nos amis et je sais où l'on peut cueillir des oranges à profusion sans être inquiétés le moins du monde...
C'est dimanche, donc les gardes ne travaillent pas, non ? intervint Abdallah.
Eux, ils travaillent toujours, répliqua Salim. Il était 11h quand ils partirent. Le soleil mangeait l'air, brûlait les murs. Ils ne prirent pas la route « française » de Annaba, mais le raidillon traversant le champ d'oliviers de Bencheguib, afin de gagner une assez longue distance. Une fois sur le faîte du monticule, on peut admirer la vallée toute verdoyante d'orangers, d'abricotiers, de mandariniers et autres lauriers-roses. Entaillé en son milieu par – telle une cicatrice – oued Seybouse, en ce jour de fin d'été, s'ébrouait à peine, remuait nonchalamment les flaques somnolentes. Après une courte pause, batifolant comme des fous, ils dégringolèrent la pente, traversèrent la route de Constantine et s'engouffrèrent dans un passage étroit, entre les haies vives qui délimitaient les vergers. Guidés par Maâmar, bientôt ils furent au bord de l'oued. Le lit laissait voir tristement, comme de géants osselets, ses galets couverts d'une poussière blanchâtre ; au milieu ruisselait le filet d'eau trouble, jaunâtre. A quelques pas de l'autre rive, se dressait un mur de sapins, de ronces et d'aubépines enchevêtrées, une clôture inexpugnable pour la vaste orangeraie. Au lieu de franchir l'oued, Maâmar releva prestement son pantalon jusqu'aux genoux, puis dit d'une voix chaude : « Je vais piquer un plongeon, là-bas, près du pont. » Il les regarda un moment comme s'il voulait les inviter, puis, les pieds nus, longeant la berge, il se dirigea vers un vieux pont fait de pierres taillées. Salim et Abdallah, qui seuls étaient chaussés de sandales, s'en étaient débarrassés et les tenaient dans la main. Portant tous des shorts, pieds nus, ils lui emboîtèrent le pas. Soudain, ils virent trois grands garçons qui venaient du côté du pont. C'étaient Zembla, Rahim et un autre qu'ils connaissaient seulement de vue ; un trio notoire, terreur du quartier de l'Abattoir. Ils devaient avoir le même âge que Aïssa. En les apercevant, Maâmar s'arrêta net, se retourna vers ses amis et dit à voix haute, comme machinalement, essayant de se comporter comme s'il ne les avait pas vus : « Allez, marchez ! » Ils le rejoignirent, hésitants, mais Zembla et ses deux amis étaient déjà tout près de lui. « Alors, maraudeurs, on va chiper des oranges ? », fit Zembla d'un air goguenard et plutôt méchant, s'arrêtant en face de Maâmar. Il avait des cheveux roux, un visage carré, des yeux marron et un petit nez, pas exactement en pied de marmite, presque deux trous, deux narines seulement, qui n'arrêtaient pas de palpiter, si bien qu'on eût dit qu'elles étaient douées de vie autonome, voire de parole, qu'elles allaient d'un instant à l'autre vous dire quelque chose ; un de ces nez, sans forme fixe, vous semble-t-il, qui, à leur vue, vous donnent envie de rire, mais que par respect, vous réprimez, difficilement d'ailleurs, un de ces nez qui accaparent toute votre attention, à tel point que vous oubliez la présence de leurs propriétaires, jusqu'à ce que ceux-ci, cherchant votre regard, sachent ce que vous fixez si intensément et, malgré vous bien sûr, se sentent extrêmement gênés, voire pour certains offensés ou agressés. Rahim, un adolescent au visage hâlé, tout en angles, faisant claquer un impressionnant fouet au-dessus de leur tête, leur ordonna de se mettre l'un derrière l'autre, tandis que l'autre polisson, dont le visage était tout criblé de boutons purulents, un semblant de sourire figé aux lèvres, leur assenait, un à un, une forte chiquenaude. Les enfants restaient silencieux, Maâmar souriait à Zembla en secouant la tête à droite puis à gauche. « Maâmar, je te connais, toi... Vous êtes de Bab Souk ?
Précisément de la rue Barberousse. Moi, aussi, je te connais, Zembla...
Qui ne me connaît pas ? », claironna ce dernier en dévisageant les autres. Puis, le visage rougissant de colère, il ajouta : « Répondez !
Nous te connaissons, s'empressèrent-ils de bredouiller presque d'une seule voix, l'air penaud.
Approche, Maâmar. » A peine celui-ci s'était-il exécuté, qu'il lui donna un vigoureux coup de poing en pleine figure. « Ah ! non, il faut que ça fasse clac ! Relève ta tête ! » Les mains couvrant le visage, Maâmar marmonnait en sanglotant : « Pourquoi ?... Pourquoi ?... Qu'est-ce que nous vous avons fait ?
Baisse tes mains ! C'est toi leur chef, hein ! » Avec l'aide du boutonneux, il lui retira les mains du visage et le frappa, le sang gicla de son nez. A la vue de ce visage tout en sang, les autres enfants étaient effrayés. « Rahim, dit Zembla d'un air amusé, emmène-le à l'oued, qu'il se lave la frimousse, le chef ! Il semble ne pas voir le chemin... Au suivant ! » Salim, en s'approchant de Zembla, pensa : « Je dois lever la tête bien haut pour qu'il ne me touche pas au nez ou aux yeux. » Mais il reçut comme un coup de massue sur le nez et tomba évanoui ; il rejoignit Maâmar, près d'une flaque d'eau, titubant, laissant la place à la prochaine victime : Youcef. Il se mit à se rafraîchir le visage, qu'il sentait s'enflammer de plus en plus. « Ca n'a pas claqué ! », s'écria Zembla sur un ton enjoué. Abdallah était debout en face de lui, tandis que Sebti et Youcef, pleurnichant, les mains sur le visage, rejoignaient leurs amis. Peu après arriva Abdallah, pleurant, saignant du nez. Zembla, l'air satisfait, riait aux éclats ; les deux trous noirs à la place du nez s'élargissaient. Après un bref instant, il dit d'une voix haute et sur un ton égrillard : « Maintenant, vous pouvez aller chaparder, vous en avez payé le droit ! Ha ! ha ! ha ! La taxe de passage ! Ha !... » Les trois lascars continuaient à rire. Maâmar, qui était le plus mal en point, ne finissait pas de se laver en se mouchant, le sang coulait de son nez sans arrêt ; ce dernier devint une petite boule ronde, comme un jujube mûr. Zembla et ses deux acolytes partis, les enfants s'entre-regardèrent un moment, puis éclatèrent de rire en se lançant des plaisanteries sur leur vultueux minois. « Les pédés ! vociféra Maâmar, la tête renversée ; ils nous le payeront, les salauds ! » Ils franchirent le petit escarpement de l'autre rive. Le plongeon, ils y avaient renoncé ; n'était cette idée de malheur, de Maâmar justement, qui les avait menés vers ces djinns ? Ils auraient pu passer l'oued dès leur arrivée à la berge, là-bas, au bout de la piste. Cependant, jamais ils n'étaient venus à l'oued, en période chaude, sans manquer une seule fois d'y barboter tels des têtards éperdus. Maâmar se fraya un passage dans la haie épineuse et s'engouffra non sans peine dans le verger, suivi bientôt des autres, qui y pénétrèrent en file indienne, silencieusement. Une fois à l'intérieur du verger, ils se précipitèrent parmi les arbres, chacun vers un arbre, comme des mulots fuyant le feu. Les orangers étaient de petite taille. Salim, sans qu'il ait besoin de grimper, tendait ses mains et cueillait les oranges, qui n'étaient pas tout à fait mûres, mais mangeables. Il s'en remplit vite la grande poche qu'il s'improvisait toujours en pareille occasion : tout le pourtour du torse, entre le tricot et la peau. Le tricot menaçait de s'ouvrir à la ceinture, l'élastique du short étant leste. L'un après l'autre, ils ressortirent par où ils étaient entrés, retenant leur short, de peur que le butin ne tombe de son propre poids. Sebti, en descendant la berge, perdit quelques oranges, mais renonça à les chercher. Tout en marchant, tous épluchaient les oranges et en mangeaient, sauf Maâmar, qui vilipendait contre les trois apprentis brigands, lançait d'acerbes récriminations contre eux, comme s'ils étaient en face de lui. Comme d'habitude, avant de regagner la ville, lorsqu'ils arrivaient dans le passage de haies, ils se laissaient tomber sur le côté ombreux, ils en bâfraient jusqu'à satiété. Ainsi firent-ils ce jour-là.


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