En temps de guerre, un traître est celui qui passe à l'ennemi et, de fait, est condamnable à mort. En temps de paix, un traître devient vague, kha'in peut être un terroriste mais peut aussi être pardonné, car c'est en temps de paix et de réconciliation que les définitions se perdent. Ruiner son pays, appauvrir des citoyens, fermer les yeux sur la corruption ou nommer des voleurs notoires à des postes-clés peut aussi être considéré comme de la trahison. Ce qui n'est pas de la haute trahison, autre délit, «intelligence avec l'ennemi», où il faut déjà être intelligent et définir qui est l'ennemi. Ali Kafi n'est pas un traître mais s'il traite Abane Ramdane de traître, qui n'en est pas un, est-ce de la traîtrise ? C'est de la calomnie et à ce titre, la justice aurait dû s'autosaisir. Saïd Sadi n'est pas un traître, Saïd Abadou non plus mais il a traité Messali Hadj de traître et la justice ne s'est pas autosaisie, tout comme l'ONM pour les faux moudjahidine dont Mellouk parle, lui qui a les noms de traîtres activant dans la justice, cette même justice qui n'en finit pas de le traduire en justice. Quant à Messali Hadj, il est le premier à avoir inscrit l'indépendance dans son programme. Mais il a combattu l'ALN ensuite et est encore qualifié de traître sur le site officiel de la Présidence, la même Présidence qui a débaptisé un aéroport pour le renommer à son nom. Celui-ci a donc été un patriote dans la première partie de sa vie, un traître dans la deuxième et un aéroport dans la troisième, même si cette phrase est passible de l'autosaisie d'un tribunal. En réalité, il s'agit de Ben Bella, premier président à l'indépendance. Etait-il un agent au service de Nasser, de la France, du Maroc ou de la Polynésie ? Se poser la question peut déjà être considéré comme de la traîtrise. L'histoire n'est pas forcément écrite par les vainqueurs. Elle est d'abord écrite par ceux qui savent écrire.