Austérité, rationalisation de la consommation, inflation. Dans la foulée de l'effondrement des cours du pétrole, les Algériens doivent se préparer en 2015 à se serrer la ceinture et à une probable nouvelle hausse des prix qui touchera plusieurs produits de consommation alimentaires et non alimentaires. Pour certains produits comme les légumes secs ou les viandes blanches, les prémices étaient déjà visibles en fin d'année dernière. Le prix des lentilles a augmenté de plus de 40% en novembre 2014 par rapport à la même date une année plus tôt, selon l'Officie national des statistiques (ONS). Cette hausse s'est élevée à 25% pour les haricots secs, et plus de 20% pour la viande de poulet. Rien que pour le groupe des produits alimentaires, la hausse des prix a atteint près de 10% sur cette même période. Les prix ne répondant généralement à aucune logique commerciale, il ne serait pas étonnant de voir cette hausse se poursuivre, et d'ailleurs les commerçants ne l'écartent pas. Pourtant, au niveau mondial, les prix alimentaires dont dépend une bonne partie de nos importations ont baissé de plus de 12% en 2014. Pour ce début d'année, d'autres produits de consommation devraient suivre la même tendance, comme l'automobile, le tabac ou le timbre de passeport dont les augmentations ont été annoncées soit par les acteurs du secteur ou par la loi de finances 2015 respectivement. Dans le secteur de l'immobilier, certains notaires font état de la préparation d'une taxe sur les transactions immobilières imposée aux propriétaires de biens lors de la vente. Dans sa confection de la loi de finances 2015, le gouvernement est resté raisonnable sur ses prévisions en matière d'inflation, la situant à 3% contre 3,5% en 2014. Le Fonds monétaire international est, quant à lui, moins optimiste envisageant un taux de 4%. La nature et l'origine de notre consommation étroitement liées aux importations et au taux de change du dinar par rapport à l'euro et au dollar rendent quasiment inévitable une hausse des prix. Hadj Tahar Boulenoir, porte-parole de l'Union générale des commerçants et artisans algériens (UGCAA), est réaliste. «Si durant le premier trimestre 2015 le dinar continue à se déprécier, il faut s'attendre à des augmentations des prix sur tous les produits», prévient-t-il. La situation en serait davantage propice si la mise en œuvre de la suppression de l'article 87 bis qui doit déboucher sur une augmentation de salaires était concrétisée. Glissement Depuis quelques mois, la valeur du dinar a chuté d'une manière considérable, donnant le sentiment d'une érosion sensible du pouvoir d'achat. La Banque d'Algérie l'a d'ailleurs confirmé en toute fin d'année dans un communiqué qu'elle a rendu public et dans lequel elle révélait que sur les onze premiers mois de l'année 2014 par rapport à la même période de 2013, le cours du dinar s'est déprécié relativement au dollar (0,62%) et contre l'euro (1,56%). Certes «faiblement», selon la BA, simplement la dépréciation de la monnaie nationale a commencé bien avant 2014. En 2013, la Banque d'Algérie avait déjà décidé de baisser de 10% la valeur du dinar face au dollar et à l'euro. Laisser glisser la valeur du dinar tend, selon les experts, à réduire les importations. Il n'en a rien été jusque-là au vu de l'évolution dramatique de la facture. Pis encore, la période d'austérité dans laquelle l'Algérie entre en 2015 rend encore plus improbable un inversement de la situation devant l'impératif de contenir cette facture. L'importation D'ailleurs, la hausse des prix s'explique aussi par le fait que plus de la moitié de nos besoins de consommation provient des importations dont plus de 50% de la zone euro. Autrement dit, les prix sont soumis d'une part à l'évolution de la monnaie européenne et du dollar par rapport au dinar, ainsi qu'aux aléas des évolutions à l'international des prix des produits et l'on sait qu'hormis les produits de première nécessité qui sont administrés, le marché est théoriquement censé répondre à la loi de l'offre et de la demande. Or, les prix à l'international sont fluctuants et cette fluctuation se ressent directement sur le consommateur algérien et les entreprises quand la tendance est à la hausse. Selon l'ONS, l'indice des prix à l'importation des produits liés directement à la consommation des ménages et à l'investissement ont connu «des augmentations de prix importantes durant les neuf premiers mois 2014 et particulièrement fortes pour les biens d'équipements industriels». Cette hausse s'est élevée à plus de 7% pour les biens de consommation, 2,1% pour les biens alimentaires, et plus de 12% pour les équipements industriels. Simplement, quand les prix fluctuent à la baisse, celle-ci est rarement, sinon jamais répercutée, comme cela a été observé maintes fois par le passé. Car l'euro n'a pas toujours été en situation ascendante par rapport à la monnaie nationale (voir graphe).«Quand un importateur est informé par son fournisseur qu'il y aura une augmentation des prix, il prend le soin d'en informer ses clients ; en revanche, il ne prend pas cette peine dans la situation contraire. Sans compter que les importateurs s'approvisionnent en devises sur le marché informel», explique Hadj Boulenoir. L'autre raison à la non-répercussion des baisses réside, dit-il, dans le fait que certains produits sont otages d'un «monopole ou de la spéculation», nécessitant «une révision du système de contrôle du commerce extérieur.» Limite En attendant une telle action, les consommateurs n'ont pas beaucoup de choix. La Fédération algérienne des consommateurs (FAC) ne cache d'ailleurs pas son impuissance par rapport à une érosion plus accentuée du pourvoir d'achat, compte tenu de l'austérité à laquelle ils sont conviée par le gouvernement. «Nous avons été incapables de diversifier notre économie durant toutes ces années, nous dépendons des Bourses étrangères en matière alimentaire et il y a eu une dévaluation du dinar, c'est normal qu'il ait hausse des prix», affirme Zaki Hariz, président de la FAC. En revanche, pour y faire face, il n'y a pas de solutions miracles. «Les consommateurs doivent rationnaliser leur consommation et éviter les gaspillage». Il y a beaucoup d'économies à faire «dans la consommation de l'eau, de l'électricité, de communication et surtout des produits alimentaires». Quant aux pouvoirs publics, «ils doivent actionner leurs mécanismes de régulation, notamment sur certaines filières comme les légumes secs, les viandes, etc.» Exception Si les prix à l'import sont appelés à augmenter, ce serait une aubaine pour les produits locaux. Boudjemaâ Kemmiche, président du consortium algérien de l'industrie agro-alimentaire (ACA) révèle qu'il «n'y aura pas de hausse des prix sur les produits locaux en 2015». Même s'il y a une légère hausse sur les matières premières importées, elles sont compensées par «une réduction des marges». Les producteurs nationaux savent que pour gagner la bataille contre les produits importés, «il faut réduire les marges». Il faut également s'approvisionner intelligemment auprès des fournisseurs étrangers, d'où l'idée «des achats groupés pour des prix mieux négociés». L'autre levier pour la production locale viendrait d'une réglementation plus avantageuse pour les producteurs nationaux au détriment des importateurs. De ce point de vue, l'instauration d'un impôt forfaitaire unique applicable aussi bien aux producteurs nationaux qu'aux ventes de biens dans la loi de finances 2015 déroutent les chefs d'entreprise. «Une erreur», selon M. Kemmiche, car pouvant avoir pour effet d'encourager davantage les importateurs. Mais une erreur qui pourrait bien être corrigée dans le cadre d'une éventuelle loi de finances complémentaire, croit-il savoir.