C'est dans un contexte national préoccupant – chute brutale des prix du pétrole, mesures prises par le gouvernement pour gérer la crise, manifestations contre l'exploitation du gaz de schiste dans le Sud, violence qui continue à sévir dans la wilaya de Ghardaïa – que Ali Benflis, ancien candidat à l'élection présidentielle du 17 avril 2014 et ex-chef de gouvernement, a animé une conférence de presse au siège de sa permanence, à Ben Aknoun (Alger). «Notre pays est, en ces heures-ci, à la croisée des chemins», assène-t-il d'emblée. «Il y a une impasse dans laquelle un régime politique finissant veut maintenir notre pays, il y a aussi la voie de la réforme et du renouveau qu'offre une opposition nationale unie, clairvoyante et déterminée», a déclaré Ali Benflis, pour qui «l'Algérie est désormais face à des choix simples mais cruciaux ; le choix entre un type de régime politique obsolète et un régime politique de son temps ; le choix, aussi, entre un régime politique qui lie le devenir de toute une nation au destin d'un pouvoir personnel et un régime politique où le peuple se réapproprie la maîtrise de sa propre destinée et, avec elle, celle du pays qui est le sien ; le choix, enfin, entre un régime politique dont la nature est associée à l'immobilisme et à la régression et un régime politique porteur de perspectives d'avenir et de motifs d'espoir». Selon Ali Benflis, «l'échéance présidentielle n'a pas servi à élire un chef d'Etat mais à reconduire une vacance du pouvoir». «Face à une telle situation inédite, tout ce que compte notre pays comme institutions, administrations et structures de toutes sortes seront plus occupées à gérer cette vacance du pouvoir qu'à assurer une saine gestion des affaires publiques», indique l'ancien chef de gouvernement, qui estime que «cette vacance du pouvoir (va) aggraver la crise de régime». Pour l'orateur, la «première source de cette crise de régime est la vacance du pouvoir qui devient de jour en jour plus ingérable, y compris pour ceux qui ont fait de sa seule gestion leur priorité absolue et leur objectif ultime». «Le pays, souligne le conférencier, n'a plus de guide, n'a plus de visibilité quant à son devenir ; il n'a plus de perspectives autres que celles que lui offre un régime plus attaché à sa survie que soucieux du sort de toute une nation.» Et d'ajouter : «En ces moments où s'amoncellent les périls politiques, économiques et sociaux, nul ne sait qui est aux commandes de l'Etat ni où se situe le centre de la décision nationale et qui la prend.» L'ancien chef de gouvernement ne manque pas d'arguments : «Comment expliquer que des foyers de tension et de crise dans de nombreuses régions de notre territoire apparaissent, persistent et dégénèrent sinon par une vacance du pouvoir qui s'accommode d'un gouvernement défaillant, désorienté et livré à lui-même ?» Le rôle de l'armée «Lorsqu'un pouvoir personnel fait primer le souci de sa durée sur toute autre considération et lorsqu'un régime politique place ses intérêts propres au-dessus de l'intérêt général, l'aboutissement d'une telle logique ne peut être qu'un Etat fragilisé, une nation menacée dans sa cohésion et une société dévitalisée», estime M. Benflis. «Moralement, politiquement et juridiquement, ils n'ont donc ni vocation, ni capacité, ni mandat à faire de la loi suprême de la République ce que bon leur semble», martèle encore l'ancien chef de gouvernement. Pour faire face à cette crise, Ali Benflis parle de solution négociée, apaisée, de changement graduel avec le pouvoir, où l'armée doit jouer le rôle d'accompagnateur et de garant. C'est la seule porte de salut, affirme le conférencier, qui a adressé des critiques à l'égard du gouvernement et des décisions qu'il a prises. Il dit attendre de lui «qu'il sorte de l'opacité et de l'ambigüité et qu'il nous communique clairement les décisions et les mesures prises pour rendre ces économies à faire effectives». Mais un gouvernement désemparé, dépassé et craignant que soit exigé de lui une véritable reddition des comptes «se dérobe à cette responsabilité qui est la sienne devant la nation», souligne l'ancien chef de l'Exécutif, pour qui «la première conclusion est que la grave crise énergétique actuelle est venue dévoiler les ravages d'une décennie de gouvernance fondée sur l'imprévoyance, le laxisme, le gaspillage et la prédation de nos précieuses ressources». Selon lui, «nos gouvernants n'ont en tout et pour tout qu'un seul plan B et qu'un seul plan d'urgence : il consiste à vider les caisses des réserves de change et du Fonds de régulation des recettes». La crainte, pour eux, est que lui soient adressées les questions suivantes : où sont donc passées les sommes colossales générées par une décennie d'opulence financière comme l'Algérie n'en a jamais connu ? A quoi donc ont pu servir toutes ces ressources financières puisque les vulnérabilités internes et externes de notre économie se sont aggravées et que sa dépendance à l'égard de l'étranger est devenue quasi-totale ?