Au début de la guerre, le 12 juillet dernier, personne ne tablait sur une victoire aussi retentissante du Hezbollah sur l'armée israélienne, classée comme cinquième armée au monde. Mais au bout de 34 jours de résistance qui a contraint Israël à accepter un cessez-le-feu décrété par l'ONU –et qui est à son troisième jour–, ce mouvement armé chiite a mis fin au mythe de l'invincibilité de l'armée israélienne, laquelle a pourtant réussi, par le passé, à vaincre, en un laps de temps très court, plusieurs armées conventionnelles arabes. Mieux encore, le Hezbollah est sorti de cette guerre, renforcé. Réussissant, à lui seul, à repousser l'avancée terrestre de l'armée israélienne, en lui infligeant des dégâts humains et matériels considérables qu'elle a, elle-même, fini par reconnaître. Le Hezbollah a bien gagné en popularité dans le monde arabe et musulman. Le chef de ce parti chiite, Hassan Nasrallah, est devenu une icône, une star, un symbole, un exemple évoqué avec fierté, un héros au Liban et dans d'autres pays arabes et musulmans. Son intervention, lundi, sur la chaîne de télévision Al Manar, a été d'ailleurs accueillie par des tirs de joie à l'arme automatique dans les rues de Beyrouth et de sa banlieue ainsi que dans d'autres régions. La victoire du Hezbollah a été largement soulignée même par les médias occidentaux et israéliens. Cette victoire réside aussi dans le fait que l'armée israélienne n'a pu atteindre aucun de ses objectifs, hormis d'avoir massacré plus d'un millier de civils sans défense et réduit le pays du Cèdre en un immense champ de ruines. Elle n'a également pas pu libérer ses deux soldats enlevés par les combattants de ce parti chiite pour lesquels elle avait attaqué le Liban. Elle n'a, non plus, pas réussi à amoindrir la force de frappe du Hezbollah qui, à la veille de la mise en vigueur du cessez-le-feu, a réussi, en plus d'avoir tué une vingtaine de soldats israéliens, de lancer sur le nord d'Israël au moins 250 missiles et roquettes. Cela est bien suffisant pour prouver qu'il pouvait encore poursuivre longtemps la guerre. Les plus grands titres de la presse écrite américaine, tels Washington Post et le New York Times, ont mis en exergue dans leurs éditions d'hier la victoire de « la guérilla du Hezbollah » sur l'armée israélienne. Pour le Washington Post, Israël, qui espérait venir rapidement à bout des milices libanaises, les désarmer et les éloigner du Sud-Liban, a essuyé une défaite inattendue. Pour le New York Times, le Hezbollah a poussé Israël à accepter un cessez-le-feu grâce à sa combativité et ses qualifications militaires. De son côté, le Haut représentant pour la politique extérieure de l'UE, Javier Solana, a considéré, dans un entretien publié hier par le quotidien espagnol El Pais, que le Hezbollah n'est pas une organisation terroriste, désavouant Israël et l'Administration américaine qui le qualifiaient ainsi. Fort de sa popularité et de la justesse de la cause qu'il a défendue, le Hezbollah se place comme une puissance incontournable dans l'édification d'un Etat libanais fort capable de faire face à l'ennemi extérieur. Tout en revendiquant cette victoire qu'il a qualifiée de « stratégique et historique pour tout le Liban et la résistance », Hassan Nasrallah refuse que les forces de la résistance soient désarmées dans l'immédiat, arguant le fait que l'armée libanaise n'est pas suffisamment outillée pour pouvoir repousser d'autres éventuelles invasions de « l'ennemi sioniste ». Pour lui, une telle question « ne peut être réglée de façon hâtive et sous la pression », appelant à un dialogue interlibanais. Le ministre libanais de la Défense, Elias Murr, a exclu, de son côté, que le déploiement de l'armée libanaise dans le Liban-Sud soit pour le désarmement des milices du Hezbollah. Le rôle de cette armée est plutôt d'assurer la sécurité de la résistance et des citoyens. De protéger la victoire de la résistance. Pour Elias Murr, le Hezbollah a prouvé qu'il a « une politique défensive, une politique de dissuasion de l'ennemi israélien et qu'il est capable de la mettre en application ».