Malgré l'adversité, Ghaleb Bencheikh n'a pas peur des mots. Le théologien, invité hier du forum du journal Liberté, a dénoncé «l'hystérie» affichée par les musulmans qui ont dénoncé les caricatures de Charlie Hebdo sur le Prophète Mohamed. «C'est un spectacle affligeant qu'ont montré les musulmans hier», indique le philosophe. «Il y a des manières plus intelligentes de revendiquer», a-t-il dit. «Lorsque le Prophète lui-même avait été arrêté, humilié et agressé, il avait répondu : ‘‘Laissez-les, ils ne savent pas'', paraphrasant ainsi Jésus», rappelle le conférencier. Mais plus que des manifestations, Ghaleb Bencheikh s'est dit choqué par les slogans pro-terrorisme, tenus à Alger. «Ceux qui ont laissé faire cela sont responsables et comptables de la violence qui peut toucher les Algériens», a-t-il répondu sans ambages. «Nous n'avons pas retenu les leçons de la décennie noire», a-t-il ajouté. Pour le président de la Conférence mondiale des religions pour la paix, l'apparition des terroristes en France est due au fait que pendant plus de 20 ans, «nous n'avons rien fait» pour expliquer aux jeunes la religion musulmane. «La nature ayant horreur du vide, les mosquées sont livrées à des imams ignares» qui ont donné une «mauvaise image de la religion». Pour lui, même les imams envoyés d'Algérie ne sont pas la solution : «Ils sont envoyés dans un environnement qui n'est pas le leur. Déjà qu'ici, leur niveau est limité. La solution est donc une formation sur place, en France.» «Les musulmans ne veulent pas voir que dans leur yeux, il y a des points noirs», a-t-il dit. «Nous sommes dans la croyance, sans la connaissance», a-t-il encore ajouté. Pour Ghaleb Bencheikh, «il est faux de dire que la religion n'a rien à voir dans tout cela. Le problème est dans le corpus. La référence de Daech est le wahhabisme en acte et le salafisme le plus belliqueux, le plus destructeur». Mais, regrette-t-il, les promoteurs de ces idéologies «font partie de la coalition internationale» qui combat les djihadistes, référence à l'Arabie Saoudite. Malgré la situation du monde musulman, Ghaleb Bencheikh ne désespère pas ; il pense que le travail de pédagogie peut être fait : «La plus grande des marches commence toujours pas un pas.» «Il faut doter les intellectuels musulmans d'une intelligente croyance», préconise-t-il.