L'espoir renaît en Libye suite au premier round, la semaine dernière, des pourparlers de Genève, parrainés par l'ONU, entre les différents groupes libyens. Dans toutes les régions du pays, on croit désormais à un imminent armistice. Sur quoi repose cet espoir ? Hormis l'explosion devant l'ambassade d'Algérie et des échanges intermittents de coups de feu, la situation a été calme sur les différentes lignes de front en Libye ces dernières 72 heures. L'armée nationale libyenne a même annoncé un cessez-le feu, à partir d'hier à minuit, «hormis la chasse aux terroristes». Pour leur part, les commandements de Fajr Libya et de Chourouk (libération des ports pétroliers) ont, eux aussi, annoncé dans un communiqué publié vendredi un cessez-le feu sur tous les fronts. Ledit communiqué est venu dissiper les doutes surgissant suite aux propos publiés, deux jours plus tôt, sur la page officielle facebook de Fajr Libya, rejetant les résultats des pourparlers de Genève, avant même le début du round de négociations. Entre ces deux publications provenant du même clan, Ahmed Hadiya, porte-parole des forces Bouclier du centre, l'un des bras militaires de Fajr Libya, a déclaré aux médias que «les communiqués officiels de Fajr Libya sont publiés par les médias visuels», traduisant ainsi les divergences au sein de cette mouvance qui regroupe des milices proches d'Ançar Chariaâ, aux côtés de milices proches des Frères musulmans. Toutefois, ces développements montrent qu'une large frange de Fajr Libya et des groupes influents à Misrata a évolué dans le sens du soutien des pourparlers de Genève. Ainsi, les organisations de la société civile à Misrata ont organisé une manifestation devant la mairie pour annoncer leur soutien aux efforts déployés pour la réconciliation nationale à Genève. «Les réactions sont plus favorables que lors des pourparlers de Ghadamès, fin octobre dernier, quand le camp Fajr Libya était encore sur le rejet de la légitimité du Parlement de Toubrouk, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui», a précisé le député Bacha Agha de Misrata, présent aussi bien aux pourparlers de Ghadames (fin octobre) qu'à ceux de Genève, où il représente les députés boycottant les réunions du Parlement de Toubrouk. Le Conseil de sécurité a salué, dans un communiqué publié avant-hier, la démarche adoptée lors du premier round des pourparlers de réconciliation libyenne à Genève. Nombreux obstacles Le communiqué a salué l'appel à la poursuite, la semaine prochaine, des négociations élargies à toutes les parties concernées. L'ONU a par ailleurs menacé de punir tous ceux qui freinent le processus de paix en Libye. Toutefois, il n'y a pas que cette face rose du médaillon. La face noire provient du fait que la réunion, tenue hier par le Congrès national général (CNG) à Tripoli, levier institutionnel de Fajr Libya, n'a pas approuvé la décision de participer aux pourparlers de Genève. L'envoyé de l'ONU, Bernardino Leon, espérait obtenir cet accord pour réunir les deux institutions se disputant la légitimité institutionnelle en Libye (le CNG et le Parlement de Toubrouk) dans les pourparlers de Genève. Or, le CNG refuse cette option, alors que l'ONU considère que le Parlement est l'unique légitimité en Libye. Leon a par ailleurs déclaré que «la formation du gouvernement revient au Parlement reconnu par la communauté internationale», donc celui de Toubrouk. Le refus des membres du CNG de participer au premier round de Genève, a poussé Leon à inviter les représentants des mairies de Misrata, Ezzaouia et Ghariane, dominées par les Frères musulmans, bras politique de Fajr Libya. L'ONU a donc essayé de contourner les difficultés tout en préservant la représentativité politique de toutes les fractions. Lesdits conseils municipaux sont élus, donc légitimes. Dans le même ordre d'idées, le conseil de la choura de Ouerchfana a reçu une invitation à participer au second round des pourparlers de Genève. Il est à rappeler que le premier round des pourparlers de Genève a abouti à l'engagement formel et irréversible de tous les participants sur une Libye unie et démocratique, gouvernée dans un environnement de suprématie de la loi et du respect des droits de l'homme. Les présents ont également discuté des mesures «pour le rétablissement de la confiance, afin de protéger l'unité du pays et alléger les souffrances du peuple libyen». La Libye n'est certes pas encore à la phase de l'enterrement des armes. Mais de bons signaux proviennent de Genève pensent, sceptiques mais néanmoins optimistes, la plupart des Libyens.Mourad Sellami