Le Maroc vient de faire connaître ses conditions pour normaliser ses relations bilatérales avec la France. Autant dire que la note de frais présentée par Rabat s'annonce très salée pour l'Elysée et humiliante pour la justice française. Selon l'agence Reuters et le site internet d'information DemainOnline, dirigé par notre confrère Ali Lmrabet, qui reprennent une source proche du ministère marocain des Affaires étrangères, Rabat exigerait, avant tout, qu'une immunité soit octroyée par la France à ses responsables. «Il faut que les responsables marocains bénéficient de l'immunité sur le sol français.Et nous pourrons toujours aplanir nos divergences par le biais du processus diplomatique», a confié une source à nos confrères. Deuxièmement, le Maroc — qui a perdu du terrain en Europe sur la question du Sahara occidental, y compris à Paris — aurait demandé, selon nos confrères de DemainOnline, que «la France continue de le soutenir dans le conflit sahraoui». Enfin, troisièmement, le procureur du roi, Ilias Saloub, impliqué dans le procès très contesté de Zakaria Moumni, l'ex-champion du monde de boxe thaïe, séquestré par la DGST, torturé et condamné, puis emprisonné durant 18 mois pour avoir dérangé la quiétude du roi lors d'un de ses voyages dans son château de Betz, a lancé des mandats d'amener contre… Zakaria Moumni et Adil Lemtalsi, les deux Français d'origine marocaine qui accusent Hammouchi de «torture». Bien entendu, la justice marocaine souhaiterait voir ces mandats d'amener aboutir. Si cela se produit, ce sera bien la première fois que la justice française accepte d'extrader deux de ses ressortissants. Le gouvernement français acceptera-t-il de faire confiance à la justice marocaine qui est actuellement décriée par les Marocains eux-même pour sa dépendance envers le pouvoir exécutif ? Cela devrait se savoir assez vite. Pourquoi le roi Mohammed VI a-t-il pris le risque de faire monter aussi haut et avec autant d'assurance les enchères ? Il semble que la monarchie marocaine a compris que Paris a besoin de ses «services» dans la lutte contre le terrorisme. Le patron du Quai d'Orsay, Laurent Fabius, a d'ailleurs qualifié, la semaine dernière, la coopération policière et judiciaire entre les deux pays de «nécessité absolue» face à la menace terroriste. La reprise de la coopération sécuritaire avec Rabat permettrait notamment aux Français, est-il avancé, d'obtenir des renseignements sur des personnes soupçonnées de terrorisme, à commencer par Amedy Coulibaly qui avait été abattu par la police française lors des attaques terroristes qui ont eu lieu à Paris récemment. Il aurait fait, selon la presse française, plusieurs séjours au Maroc ces dernières années. Tous les observateurs sont curieux de voir maintenant si le président Français François Hollande, qui est connu pour avoir une aversion pour l'autoritarisme, acceptera de sacrifier les droits de l'homme et la crédibilité de la justice française sur l'autel de la sécurité et de la lutte contre le terrorisme. Les accords de coopération judiciaire et sécuritaire entre la France et le Maroc sont, rappelle-t-on, suspendus depuis le 27 février 2014. La décision avait été prise par Rabat pour protester contre le dépôt de plaintes pour «torture» et «complicité de torture» visant le patron de ses services de renseignement, Abdelattif Hammouchi.