Le royaume d'Arabie Saoudite, berceau de l'islam et premier pays exportateur de pétrole, est en deuil. Son monarque, Abdallah Ben Abdelaziz Al Saoud, est mort, hier, à l'âge de 90 ans, après 10 ans de règne. Souffrant d'une pneumonie, il était hospitalisé depuis le 31 décembre à Riyad. Le décès de Abdallah a été annoncé à 01h locale par le palais royal dans un communiqué. «Son Altesse Salmane Ben Abdelaziz Al Saoud et tous les membres de la famille et toute la nation pleurent le Gardien des deux Saintes Mosquées, le roi Abdallah Ben Abdelaziz est décédé à 1h exactement ce matin», a annoncé le communiqué. Ses funérailles se sont déroulées dans l'après-midi même dans la mosquée Imam Turki de Riyad. La dépouille du feu roi Abdallah a ensuite été portée en terre dans le cimetière El Od, attenant à la mosquée, en présence de dignitaires arabes et étrangers. C'est son demi-frère, le prince Salmane, 79 ans, qui - comme attendu - lui a succédé. Longtemps responsable du conseil de famille et gouverneur de Riyad, il avait déjà succédé à Sultan, après sa mort en octobre, au stratégique ministère de la Défense. Il s'agissait du premier poste ministériel pour le prince Salmane, qui a été gouverneur de Riyad depuis 1962. Monté sur le trône en 2005, à l'âge de 82 ans, à la mort de son demi-frère Fahd, le roi Abdallah gouvernait en réalité le royaume depuis plusieurs années en raison de la mauvaise santé de son prédécesseur qui l'avait désigné régent depuis 1996. Un réformateur aux mains liées Très entreprenant, il s'imposera très vite sur le complexe et explosif échiquier moyen-oriental comme une personnalité incontournable. Lorsqu'il n'était que prince héritier, Abdallah avait été déjà l'un des artisans des fameux accords de Taëf qui ont mis fin à la guerre du Liban en octobre 1989. Plus récemment, le roi Abdallah a su, au plan régional, éviter la tempête des révoltes arabes.Comment ? Tout simplement en achetant la paix sociale comme l'ont fait d'autres pays. Il a puisé, en effet, sans compter dans les importantes réserves financières de son pays qui s'élèvent à 700 milliards de dollars pour satisfaire la population, créer des emplois et construire des logements. Ces dernières années, il a également rejoint la coalition internationale contre l'organisation Etat islamique. Sur le plan intérieur, Abdallah Ben Abdelaziz Al Saoud est longtemps passé pour un réformateur (réformateur comme on peut l'être en terre saoudienne) et, lorsqu'il accède au pouvoir, il tiendra parole en partie en organisant les premières élections libres du pays. Celles-ci n'ont néamoins concerné que les municipales. Les partis politiques restent toutefois toujours interdits en Arabie Saoudite. Tout au long de son règne, il a dû tenir compte des doléances des réformateurs tout en donnant des gages aux conservateurs. Il a tenté, à chaque fois, d'adapter son royaume aux impératifs des temps. Inlassablement, il s'est efforcé de limiter les bastions institutionnels concédés aux religieux les plus radicaux par son prédécesseur. L'histoire retiendra tout de même qu'il a été aussi celui qui a relancé le dialogue interreligieux. Il s'illustra par une visite historique au Vatican, une volonté de dialogue interreligieux destinée à éloigner l'islam des sables mouvants d'un rigorisme et d'un retour à la religion des «pieux ancêtres» qu'il jugeait difficilement compatible avec son titre officiel de «Serviteur des Lieux Saints». L'obsession iranienne l'empêcha cependant de normaliser les relations du royaume avec sa minorité chiite, et les autres cultes pratiqués dans le royaume (notamment par les cohortes d'expatriés) restèrent condamnés à la clandestinité. Sur le plan des droits de l'homme, si les femmes ont gagné le droit de vote, elles n'ont toujours pas le droit de voyager seules ou de conduire. Et la peine de mort est toujours en vigueur. Bref, sur ce volet-là, tout reste encore à faire. Sur ce point, Abdallah a déçu les attentes des réformateurs, notamment sur la place des femmes dans la société saoudienne. De fait, Abdallah s'est souvent trouvé tiraillé entre les ailes libérale et conservatrice de la famille royale, ce qui a certainement paralysé son action. Mais Abdallah, qui s'est forgé une réputation de probité face à d'autres membres de la famille royale accusés de corruption, était un des rois le plus aimé d'Arabie Saoudite depuis le roi Fayçal, assassiné en 1975. C'est la raison pour laquelle beaucoup de jeunes Saoudiens le regrettent déjà.