Alors que la trêve précaire entre Israël et le Hezbollah tient toujours, des milliers de réfugiés libanais cherchent, de leur côté, à rejoindre leurs foyers dans les villes et villages du Sud-Liban en empruntant les routes défoncées. Une fois chez eux, ils risquent de laisser leur vie en foulant des sous-munitions non explosées, enfouies dans les décombres de ce que fut jadis leurs habitations. Pour éviter que le bilan de cette sale guerre ne s'alourdisse, l'UNMAS, l'agence de déminage de l'ONU, met en garde les déplacés libanais qui regagnent leurs domiciles à Beyrouth et dans le sud du Liban contre le danger que représentent les munitions qui n'ont pas encore explosé. Selon l'UNMAS, il y aurait entre 6000 et 10 000 bombes à sous-munitions non-explosées. Les spécialistes du déminage estiment que 14% des sous-munitions larguées par l'armée israélienne n'auraient pas explosé. Dans une opération d'intimidation, Israël a invité les habitants du Sud-Liban à s'abstenir de revenir dans leurs foyers tant que cette région ne passera pas sous le contrôle de l'armée libanaise et des forces de paix de l'ONU. Une déclaration publiée par le commandement de l'armée israélienne prévient aussi les Libanais de la possibilité d'affrontements armés entre les troupes israéliennes et les combattants du Hezbollah, ainsi que du danger de heurter des munitions non explosées qui se trouvent dans la zone des récentes hostilités. Ainsi, l'Etat hébreux reconnaît que lors de ses bombardements sur le Liban, son aviation a largué des armes non conventionnelles prohibées par les Nations unies. Jusqu'ici, seize personnes au moins ont déjà été tuées ou blessées au Liban par ces bombes qui n'avaient pas explosé au moment du largage. Les bombes à sous-munitions sont des engins remplis de « bombelettes ». Le conteneur s'ouvre et disperse les sous-munitions au-dessus d'une zone. « C'est l'antithèse de l'arme de haute précision », explique Paul Vermeulen, directeur de Handicap International. Handicap International et les Nations unies ont envoyé des démineurs dans les zones à risque. « Nous avons dépêché des démineurs sur place », a indiqué Paul Vermeulen. Jusqu'à maintenant, les experts des Nations unies ont localisé dix sites du Sud-Liban où l'aviation israélienne a fait usage de telles bombes. Mais on peut craindre qu'il y en ait beaucoup d'autres, selon Human Rights Watch (HRW). Les sous-munitions larguées par l'armée israélienne n'auraient pas explosé, ce qui représente des centaines de bombes prêtes à sauter, précisent encore les responsables de l'agence de déminage de l'ONU. Des personnes ont déjà été tuées ou blessées au Liban par des engins de ce type qui n'ont pas explosé immédiatement après leur largage, selon HRW qui cite les équipes de déminage des Nations unies. Aujourd'hui, la priorité est de prévenir la population libanaise. Ainsi, une ONG libanaise spécialisée en communication se charge d'informer la population sur les bombes à sous-munitions à l'aide de supports en arabe et de dessins, affirme-t-il. Alors que l'armée libanaise se déploie sur l'ensemble du territoire libanais, dont la banlieue sud de Beyrouth, la plaine de la Békaâ et dans le Sud-Liban, fiefs du Hezbollah, le nombre des Libanais rentrés de Syrie continuait à augmenter mercredi. L'UNHCR a affirmé que plus du tiers des 180 000 personnes qui y avaient trouvé refuge au plus fort des combats sont déjà rentrés au Liban. Plus de 74 000 Libanais avaient traversé la frontière entre la Syrie et le Liban depuis le début du cessez-le-feu lundi dernier. Plus de 29 000 d'entre eux l'avaient fait avant mercredi, 19h, ont rapporté les équipes de l'UNHCR surveillant la frontière. Quelque 16 000 autres personnes sont rentrées lundi et 30 000 mardi. « Nous sommes très heureux de rentrer, qu'importe ce qui nous attend dans notre village », explique un père, qui repartait avec sa famille dans un bus sous l'égide de l'UNHCR vers Tyr au sud du Liban. Le HCR précise qu'un grand nombre de rapatriés libanais rentrant de Syrie sont pauvres, spécialement ceux originaires de la vallée de la Békaâ. Parfois, ils ne peuvent pas prendre en charge le coût du retour chez eux. Bien qu'ils aient souvent fui les bombardements avec pour seules possessions les vêtements qu'ils portaient, ils rentrent avec des matelas, des habits et de la nourriture fournis par les Syriens. L'UNHCR a aidé au retour massif depuis la Syrie en organisant de nouveaux convois de bus vers les principales villes du Liban. Onze cars ont été affrétés depuis la ville syrienne de Homs vers Beyrouth, Tripoli, Hermel et Baalbek. L'UNHCR a aussi mis en place seize bus depuis Damas vers Baalbek, Zahle, Beyrouth, Tyr et Saïda. Jusqu'à aujourd'hui, les équipes du HCR continuent de surveiller le flux des Libanais rentrés chez eux. L'organisation humanitaire va se charger de l'hébergement d'urgence des Libanais les plus vulnérables en dehors des principales villes, zones où l'étendue des dégâts vient seulement d'être découverte. « Le HCR va aider à la réhabilitation des bâtiments publics qui pourront servir d'hébergement temporaire pour les personnes dont la maison a été détruite, le temps pour elles d'en achever la reconstruction », déclare un agent de l'organisation onusienne. Selon le CICR, au moins 200 000 réfugiés auront besoin d'aide jusqu'à la fin de l'année. Il s'agit aussi de fournir de l'eau potable à un million de personnes et d'apporter un soutien pour les infrastructures médicales utilisées par 600 000 personnes. Sur le plan humanitaire toujours, Louis Michel, le commissaire européen en charge du développement et de l'aide humanitaire, a affirmé que « le Liban est toujours en état d'urgence. Je demande instamment à Israël de lever son blocus et ainsi permettre que l'aide humanitaire d'urgence puisse atteindre ceux qui en ont besoin ». Malgré cette paix fragile dans la région, les ONG ainsi que le CICR ont, par ailleurs, entamé une phase d'évaluation des besoins de la population libanaise. L'organisation devrait mettre en place un programme de réhabilitation psychosociale pour aider la population à surmonter les traumatismes engendrés par le conflit.