Le mouvement anti-gaz de schiste n'a que sa mobilisation franche et déterminée face aux autorités, résolument tout aussi déterminées à en finir avec la protestation entamée le 31 décembre 2014 par un groupe de jeunes universitaires de la ville d'In Salah. Au lendemain de la dissolution du comité des 22 délégués, la population s'est retrouvée devant le fait accompli : une contestation sans leader. Continuer ou baisser les bras, alors que le wali a demandé la désignation de nouveaux porte-parole et annoncé que les autorités ne reculeraient pas devant la protestation qui devra, selon lui, s'apaiser et réviser sa position envers les engagements du Premier ministre. Hier, une nouvelle marche a été organisée à travers la ville pour signifier aux autorités locales, notamment le wali, que le mouvement ne s'essouffle pas malgré la volonté exprimée et mise en pratique par le chef de daïra d'In Salah et le wali de Tamanrasset. La manifestation a entraîné élèves et professeurs du CFPA et du technicum pour revenir ensuite à «sahat Somoud wal wihda», une place qui symbolise désormais la résistance et l'unité de la société civile d'In Salah au gaz de schiste. Infiltration, pressions et autres intimidations n'ont pas manqué de devenir plus directes, plus personnalisées. Le wali ordonne la reprise de l'activité dans les administrations Après l'essai de forcing au siège de la daïra, la chamaille devant le bureau de poste entre pro-reprise de l'activité et pro-paralysie de la ville, avant de demander la levée du sit-in et la désignation de nouveaux interlocuteurs, le wali de Tamanrasset a usé de ses prérogatives pour exiger la réouverture de l'administration locale et des entreprises étatiques. Profitant du débat qui nourrissait des tensions sur le retour à une vie normale tout en maintenant une forme de protestation, le wali a en fait donné raison au camp des résignés, blasés par l'attente d'une réponse claire du président de la République. Sur l'autre rive, deux tendances : celle des prôneurs de la radicalisation du mouvement qui tend vers le blocage des axes menant aux puits de gaz de schiste et la fermeture forcée du site ; celle des modérés qui veulent maintenir le sit-in jusqu'à la fermeture totale des infrastructures nécessaires à l'extraction du gaz de schiste à In Salah. Une liste, établie sous le couvert de la direction des moudjahidine, pour désigner une centaine de personnes qui seront dorénavant les interlocuteurs du wali, a été dénoncée en plénière par les heureux nominés eux-mêmes, qui ont dévoilé le mensonge éhonté et l'implication de la direction des moudjahidine, qui a déclaré ne pas avoir cautionné sa confection. Les personnes inscrites sur cette liste ont décidé de porter plainte. Les manifestants de Sahat Somoud dénoncent la manipulation qui vise à discréditer leur pacifisme. Pour les protestataires, le choc des dernières 48 heures est terrible. Le général-major Abdelghani Hamel, qui a promis de revenir après trois jours, a, semble-t-il oublié son engagement. La communication avec la Présidence a cessé. Les médiateurs se sont tus. Disparus. Pour eux, «Sellal a menti en direct et il continue à mentir. Son seul discours concerne le fait que l'Algérie ne peut pas se passer du gaz de schiste. On sacrifie une minorité au profit d'une politique énergétique inexistante», déclare une activiste. «Comment un régime qui n'est pas capable de maîtriser les réseaux d'alimentation en eau potable et d'eaux usées pourrait gérer des gazoducs, une fracturation hydraulique, des produits chimiques injectés dans le sol ?» rétorque un autre. Le sentiment de trahison est présent, tangible, et la révolte gronde à In Salah en ce 27 janvier où «toutes les interrogations semblent ouvertes, pétries de colère contre le mépris des autorités, le double jeu, le discours contradictoire». Et au moment où la protestation réorganise ses troupes, ressoude ses rangs, l'attente d'un soutien franc, organisé, programmé, semble préoccuper la population qui tient son sit-in depuis bientôt un mois. «Pourquoi Yousfi, Sellal, Hanoune et Attar parlent-ils au nom des sociétés étrangères qui font l'hydro-fracturation ?» s'interroge un jeune d'In Salah, sur les réseaux sociaux enflammés par cette manifestation pour l'environnement inédite en Algérie. «Nous voulons savoir quels produits et en quelles quantités sont injectés depuis 2012. Yousfi l'a bien déclaré jeudi dernier…» Que de questions.