Beaucoup pensaient que le pouvoir, acculé, allait finir par se rendre à l'évidence et accepter l'idée d'un changement pacifique via une feuille de route politique qui éviterait au pays la casse. C'était sans compter sur son «génie» à se sortir des situations délicates par la magie de manœuvres et autres intrigues dont il a le secret. Avec un Président malade, un Parlement croupion, un gouvernement incompétent, une rue qui gronde et une économie sous perfusion énergétique, le pouvoir a, certes, vacillé mais n'a pas rompu. L'annonce de consultations politiques pilotées par le MSP, en solo cette fois, confirme cette capacité du régime à retourner des situations compromises en agissant sur une clientèle politique en rupture de ban mais facilement (re)apprivoisable. Le MSP, qui a tété à l'overdose les mamelles du régime depuis sa création et intériorisé ses codes d'accès, vient peut-être le secourir une nouvelle fois et lui offrir une issue de secours. Une chance de survie. Comment interpréter autrement cette offre de service du parti de Abderrazak Makri au pouvoir de dialoguer, sinon par une volonté de torpiller l'action de la CNLTD dont il est pourtant un membre actif ? Makri aura du mal à convaincre ses alliés au sein de cette coordination et les observateurs politiques de la pertinence de lancer une initiative parallèle à celle de la transition démocratique. Le fait est que la CNLTD s'est refusé jusque-là de s'adresser au pouvoir, surtout pas au président de la République, alors que Makri et son MSP s'adressent aujourd'hui prioritairement à eux. Il y a clairement une duplicité de discours que ne peuvent justifier les envolées lyriques et autres gymnastiques politiques de Makri. Ne se trahissait-il pas d'ailleurs en concédant qu'«il est difficile de changer le régime de l'extérieur» après avoir tenté depuis plus d'une année à mobiliser la rue pour construire un rapport de forces ? Il y a tout l'air de croire que le MSP veut désormais reprendre sa place au pouvoir et fermer la parenthèse (désenchantée ?) de sa cure d'opposition. Sans doute que le rôle de Bouguerra Soltani a été décisif dans ce repositionnement spectaculaire du Mouvement dont il a perdu bien malgré lui les rênes. A la décharge de Abderrazak Makri, connu pour sa vision incisive et tranchée sur le régime, il a dû subir une embuscade au sein du majliss echoura (conseil consultatif) pour le forcer à revenir aux «normes maison» qui distinguent ce parti dans la galaxie islamiste. Et c'est évidemment une bonne nouvelle pour le pouvoir, qui voit un de ses fidèles serviteurs revenir dans le «droit chemin» et reprendre du service pour sa bonne cause : celle de faire voler en éclats l'idée même du changement. Vu sous cet angle, Bouteflika et son gouvernement jouent sur du velours. Après avoir été au centre d'un feu nourri et cristallisé toutes les critiques, le voilà redevenu fréquentable pour le FFS et désormais pour le MSP. Et pour son bonheur, cet appel du pied de l'ex-Hamas va, à n'en point douter, isoler la CNLTD et la rendre un peu plus inactive. C'est dire que cette inflation d'initiatives politiques étalées dans la durée constitue du pain béni pour le pouvoir qui veut donner le temps au… temps. Il s'impose habilement comme le maître du jeu alors qu'il aurait dû être mis hors jeu. C'est le grand échec d'une opposition politique velléitaire et salonnarde qui n'a pas pu et su embrayer dans un contexte politique hautement crisogène pour le régime. A moins qu'elle n'attende naïvement que Bouteflika lui remette le pouvoir sur un plateau…