Injections, sirops, pilules... font de plus en plus partie de notre quotidien. Les professionnels de la santé sont formels : en dix ans, notre comportement face aux médicaments a beaucoup évolué. En dix ans de consommation médicamenteuse, nos habitudes ont-elles changé ? A cette question, les professionnels du secteur, réunis à l'occasion au Salon international de la pharmacie et parapharmacie à Alger qui s'est tenu du 3 au 5 févier, sont unanimes : les habitudes «ont évolué et les Algériens sont en demande». La facture de consommation de médicaments en Algérie est estimée à 2,4 milliards de dollars et est susceptible d'augmenter, en 2019, à 5 milliards de dollars, selon les perspectives des entreprises internationales spécialisées, avait annoncé à la radio Abdelwahid Kerrar, président de l'Union nationale des opérateurs de la pharmacie (UNOP). «Aujourd'hui, nous allons plus facilement chez un médecin qu'auparavant. Il y a des praticiens dans toutes les spécialités», explique Nadjel Sahnoun, cardiologue. «En Algérie, les maladies cardio-vasculaires représentent la première cause de mortalité, suivies du diabète, c'est une information capitale pour les laboratoires et les importateurs de médicaments», affirme-t-elle. Stress, malbouffe, problèmes socio-économiques… sont les principales causes qu'évoquent les professionnels de la santé. «Je remarque depuis des années que les Algériens sont à l'affût de la moindre innovation médicale pour se sortir d'une maladie chronique. Les médias, à travers les émissions de santé et internet, vulgarisent certaines pratiques du consommateur, parfois inutiles quand on sait leur inefficacité», avoue Salim Tekkar, pharmacien à Alger-Centre. «C'est notre rôle d'expliquer que tout ce qui est innovant peut être également dangereux, puisque les tests ne peuvent être totalement fiables que sur le long terme. Le scandale du Médiator est édifiant et nous devons nous rappeler de ses dégâts», dit-il. Aujourd'hui, on peut se rendre dans n'importe quelle pharmacie acheter certains médicaments sans prescription par un médecin, il suffit de décrire le mal que l'on ressent au pharmacien et passer à la caisse. «Tout ce qui est vendu sans ordonnance commence à se développer. Même si l'Algérie, comparée à d'autres pays où la publicité pour les produits est possible, reste à la traîne. Il faut aussi préciser que ce constat est valable à Alger, mais dès que l'on sort à 50 km, ce n'est plus le cas», explique Khaled Kellou, chef de projet marketing pour les laboratoires Merinal. Automédication Son confrère, Yacine Louber, pharmacien, directeur général du Salon international de la pharmacie et de la parapharmacie (Siphal), nuance : «C'est vrai qu'il y a plus de produits, mais l'automédication reste un phénomène encore limité. Les patients achètent seuls leurs médicaments pour un mal de tête ou un mal de gorge, mais ils restent attentifs à ce que leur disent les médecins. Et puis, le médicament, quand il n'est pas prescrit sur ordonnance, et donc non remboursé, reste cher.» Consommateurs exigeants, certains Algériens achètent leurs médicaments en France ou dans d'autres pays pour «une meilleure efficacité», pense Kheira Laghoual, diabétique depuis 15 ans. «Un réseau informel s'est créé depuis quelques années, les malades achètent leurs traitements en France ou dans d'autres pays étrangers, car le ‘‘made in Algeria'' fait encore peur.» Elle affirme même que parfois des «hôtesses et stewarts rendent aussi service en passant par des pharmacies dans les plus grands aéroports du monde» Selon Asma Ben Mohamed, du laboratoire MM de Annaba, «aujourd'hui les produits sont disponibles. Les gens vont aussi davantage chez le médecin. Du coup, quand on a une douleur, on a plus recours au médicament qu'à l'huile d'olive. Les mentalités évoluent, même si dans la tête de beaucoup de patients la référence reste le princeps. J'entends souvent les gens dire que s'ils prennent un médicament algérien, c'est comme s'ils prenaient ‘‘ de l'eau'', que cela ne leur fait rien ! Ce qui est complètement faux. Mais pour vulgariser le générique, il faut de l'éducation thérapeutique.» L'éducation thérapeutique était un thème traité lors d'une conférence au Siphal animée par Alexis Chevtzoff, formateur de très nombreux collaborateurs de l'industrie et plus d'un millier de pharmaciens et de médecins aux pratiques de communication et à l'amélioration de la relation praticien-patient. «Il est important de créer un réseau centré sur le patient, c'est-à-dire établir une communication entre le médecin traitant et le pharmacien. Un médecin ne peut convaincre son malade que s'il a une forte connaissance de la personnalité de son patient et de ce qu'il pense de sa maladie. C'est là que commence le travail thérapeutique pour faire comprendre à un patient sa maladie et son traitement. Le choix de prendre ou non le traitement revient au malade», explique-t-il.