La situation est des plus incertaines pour une opposition qui se cherche encore et qui, visiblement, n'est pas prête à s'émanciper des conditions qui l'ont sérieusement fragilisée. Le consensus entre les différents segments de l'opposition nationale tarde à se concrétiser. C'est un constat qu'il est loisible de faire à la lumière des divergences, certaines de fond d'autres de conjoncture, qui apparaissent au fil des jours entre les différents acteurs politiques qui, à un moment ou un autre, ont tenté ou ont fait semblant d'intégrer le conglomérat des formations se revendiquant de l'opposition. Depuis l'historique rencontre de Mazafran, le 10 juin 2014, avec ses insuffisances bien sûr et ses lacunes, dont les initiateurs auraient pu se passer – comme l'association des résidus du FIS dissous qui ont vite fait de déserter le camp d'ailleurs – l'opposition a fini, avec le temps, par se cristalliser autour de la Coordination nationale pour les libertés et la transition démocratique (CNLTD) et le Pôle des forces pour le changement coordonné par l'ancien candidat à l'élection présidentielle du 17 avril 2014, Ali Benflis ; les deux réunis dans l'Instance de surveillance et de suivi de l'opposition. Tout le monde, rappelons-le, avait applaudi un événement qui a permis de réunir la majeure partie de la classe politique qui s'oppose au pouvoir en place. Même si le processus n'en était qu'à ses débuts et surtout fragile, il permettait d'entrevoir enfin la possibilité de rassembler l'opposition sur un minimum démocratique à même de construire une alternative. La CNLTD, une opportunité pour rassembler... On le savait : sur certains aspects, rien ne pouvait réunir autour de la même table certaines parties sur les programmes, les idéologies, l'évolution des rapports et des positions des uns et des autres vis-à-vis du pouvoir, sans parler des dissidences déchirantes qui ont secoué la classe politique dans son ensemble. Mais il était agréable de voir, par exemple, l'ancien président du Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD), Saïd Sadi, deviser avec l'ancien n°2 du parti, Mokrane Aït Larbi. Lorsqu'on arrive à surpasser les rancunes et les excès de l'ego, on l'a vu, le FFS pouvait bien s'associer à une démarche d'ensemble et venir défendre sa vision des choses, même en présence, autrefois désobligeante, de ses propres dissidents, à l'instar des Mustapha Bouhadef, Djamel Zenati et Karim Tabou. Tout comme Ali Benflis et Mouloud Hamrouche, deux anciens chefs de gouvernement et ex-candidats aux élections présidentielles, qui avaient eu également l'opportunité de soutenir les leurs. Ce fut un moment historique, une opposition en rangs serrés, disait-on. Une dynamique de rassemblement sur un minimum était en effet à portée de main. Sauf que le temps a prouvé le contraire. «On a beau chasser le naturel, il revient au galop.» Dès septembre, à quelques exceptions près, chacun est revenu dans son cocon. Le parti de Hocine Aït Ahmed lance son initiative de consensus national, Karim Tabou (son ex-premier secrétaire) ne tardera pas à inventer la sienne, dénommée Alliance nationale pour le changement. On y retrouvait un peu de tout : un dirigeant du FIS en exil, Anouar Haddam, recherché par Interpol, Mourad D'hina, un autre ancien responsable du parti dissous qui a justifié l'assassinat des intellectuels algériens dans les années 1990, un ancien ministre du gouvernement Hamrouche, Ghazi Hidouci, et d'anciens cadres du FFS qui avaient signé un appel adressé au peuple algérien. L'opposition se cherche encore Et au moment ou maître Mokrane Aït Larbi a affiché son adhésion à l'initiative de la direction du parti de Hocine Aït Ahmed, qui se retrouve de plus en plus isolé, en voyant sa proposition déclinée par les principaux partis du pouvoir, le FLN et le RND, c'est le Mouvement de la société pour la paix (MSP) de Abderrazak Makri qui abandonne à mi-chemin ses collègues de la CNLTD, annonçant qu'il s'apprêtait, lui aussi, à lancer sa propre démarche de dialogue avec le pouvoir. Makri a beau maquiller sa volte-face, dictée par des besoins de cohésion interne de sa formation politique, force est d'admettre que mettre en place une initiative parallèle à celle de la CNLTD est un coup dur pour le rassemblement de l'opposition dont il a été l'un des principaux initiateurs. Quoi que l'on minimise les conséquences de ce revirement inattendu, la dynamique que l'on croyait créée par la conférence de Mazafran est bel et bien freinée et par la démarche du FFS qui peine à trouver preneur et par celle du MSP que son président tente d'expliquer par des arguments qui ne tiennent pas la route. Même Mouloud Hamrouche, qui a pris part lui aussi à la conférence du 10 juin 2014, a préféré faire cavalier seul plutôt que de rester dans la même dynamique du rassemblement. La situation est des plus incertaines pour une opposition qui se cherche encore et qui, visiblement, n'est pas prête à s'émanciper des conditions qui l'ont sérieusement fragilisée. Les fractures sont si importantes, en effet, qu'une simple rencontre comme celle de Mazafran ne peut les colmater.