Des dizaines de citoyens d'In Salah ont poursuivi, vendredi, leur mouvement de protestation entamé le 31 décembre. Après quelques heures d'ouverture, la Transsaharienne, au carrefour des deux Sahla, à 35 km de la ville, a encore été fermée à la circulation. Depuis deux jours, les manifestants arborent des banderoles et scandent des slogans en arabe et en français : «Oui au solaire thermique, non au gaz de schiste», «Non à l'extermination du Sud par le gaz de schiste», «In Salah agonise»… Les jeunes semblent déterminés. La délégation qui s'est entretenue jeudi avec le chef de daïra a expressément demandé que ses doléances soient transmises directement au président de la République. Ce courrier, signé par les représentants d'une vingtaine de quartiers d'In Salah, demande un moratoire contre le gaz de schiste. Prenant la parole à tour de rôle, les présidents des associations locales de protection de l'environnement se disent choqués par l'attitude du ministre de l'Energie à In Salah. «Il est arrivé et est parti comme un voleur», disent-ils. Il a seulement constaté que le forage fonctionnait et il est reparti. Aucune consultation de la population, aucun contact avec le maire, le chef de daïra ou les élus locaux. A In Salah, à quoi sert le gaz ? Pour des membres actifs de la société civile, In Salah renaît de ses cendres et compte peser sur cette décision aussi brusque que méprisante de commencer l'exploitation du gaz de schiste avant la date annoncée par le gouvernement l'été dernier, à savoir l'horizon 2020. «Le Tidikelt fait le décompte de ses acquis : rien», écrit une activiste de la région. In Salah est le gisement ouvert à toutes sortes de pompages : le gaz vers l'étranger, l'eau vers Tamanrasset, l'électricité vers d'autres régions et rien pour In Salah où le vent de sable, la canicule et le néant mettent la population dans une situation que personne ne leur envie. A In Salah, la situation est tellement invivable que les habitants ressentent cette offense gouvernementale comme une humiliation de trop. Conjuguée à l'oubli et à la négligence des décideurs depuis l'indépendance, la capitale du Tidikelt, cette paume de la main ouverte et hospitalière, l'humiliation donne envie de tout fermer et d'attendre de voir venir. Les habitants donnent un ultimatum au gouvernement. Moratoire Le gouvernement est devant un exercice difficile de communication et de conviction. Les gens d'In Salah veulent de vrais arguments. «Si l'Etat veut forer pour extraire le gaz de schiste, il faudra qu'il nous démontre, via des experts au-dessus de tout soupçon, que cette activité est sans risque pour l'humain, la faune et la flore», disent-ils. Un député a dit qu'il a voté contre la loi des hydrocarbures, mais que les voix des élus restent insignifiantes dans une configuration qui pousse à l'unanimisme. Certains citoyens ont réalisé, cette semaine, qu'ils travaillaient pour l'entreprise qui compte les assassiner. Quelques intervenants ont été plus radicaux : c'est un non définitif au gaz de schiste, une fermeture immédiate du forage qu'ils exigent. Et devant l'absence de réaction des autorités, les manifestants bloquent toujours la RN1.