Dans une déclaration surprenante, le directeur général de l'opérateur qatari Ooredoo a formulé des menaces à peine voilées contre des médias qui s'attaqueraient au Qatar et au pouvoir algérien. Le dirigeant de l'opérateur de téléphonie mobile s'est exprimé, mercredi dernier, sous les applaudissements du ministre de la Communication, Hamid Grine, présent dans la salle. Joseph Ged a, en substance, conditionné l'octroi de la publicité par son entreprise à la presse au «respect» des régimes algérien et qatari. Très peu rapportée par les médias, la déclaration a suscité la polémique sur les réseaux sociaux. Des internautes demandent même de boycotter l'opérateur qui se permet ainsi de faire des injonctions aux médias du pays. Pis, c'est la première fois qu'un opérateur étranger se permet un tel écart envers les médias du pays d'accueil. Et le sujet relève d'une extrême importance. Etrangement, cette sortie de Joseph Ged fait écho à des déclarations similaires de Hamid Grine. Le ministre de la Communication avait, en effet, appelé les entreprises à conditionner l'attribution de la publicité aux journaux au «respect de l'éthique». Le ministre avait même inventé un «cercle vertueux» qui justifierait l'attribution de la publicité. Des journaux ont vite senti et subi les répercussions de ces déclarations sur leurs recettes publicitaires. Ingérence diplomatique Ce chantage vient donc d'être confirmé par les déclarations de Joseph Ged. Le patron d'Ooredoo, dont la publicité est omniprésente dans les médias audiovisuels, a franchi un pas qu'aucun autre patron algérien n'avait osé franchir. Mais il y a plus grave. Le dirigeant libanais de la firme qatarie entre dans le très sensible dossier diplomatique ; il menace les médias qui s'attaquent au pays d'origine de l'entreprise, le Qatar, de les priver des annonces de l'opérateur de téléphonie mobile. «Scandaleux», s'écrie Abdelaziz Rahabi, ancien ministre de la Communication. «Ooredoo est ainsi devenu la cinquième colonne du Qatar en Algérie», explique l'ancien diplomate. «Ooredoo a commencé petit, chez nous, avant de devenir grand. Maintenant, c'est nous qui nous mettons petits devant lui», commente l'ancien ministre, qui rappelle les conditions peu normales dans lesquelles avaient été attribuées les deux licences de téléphonie mobile dans notre pays. Lors d'un dîner offert aux journalistes, mercredi soir, le patron d'Ooredoo a indiqué : «Nous ne cautionnerons en aucune façon des attaques personnelles ni envers l'Algérie ni envers le pays d'où a commencé l'aventure Ooredoo, le Qatar. Nous ne nous engagerons jamais aux côtés de ceux qui sont animés par des valeurs négatives de dénigrement et de médisance.» Contacté par nos soins, le patron d'Ooredoo, Joseph Ged, apporte des «précisions» mais confirme à demi-mot ses déclarations : «Nous demeurons respectueux de la ligne éditoriale de la presse et nous sommes un annonceur libre de ses choix et de ses décisions toujours conformes aux lois algériennes.» Et d'ajouter : «Ooredoo a été le premier opérateur à casser le chantage économique de certains annonceurs envers la presse et nous refusons d'associer notre entreprise à la diffamation.»