En dépit de la répression, notre action du 24 février a été une réussite. Nous avons pu briser la peur généralisée et nous avons ainsi gagné le pari.» C'est par ces propos que l'Instance de suivi et de consultation de l'opposition (ISCO) a qualifié l'action de terrain, notamment les rassemblements et les sit-in observés le 24 février à travers l'ensemble du territoire national en signe de solidarité avec les populations du Sud qui manifestent depuis deux mois contre le gaz de schiste. L'ISCO, regroupant deux entités politiques – la Coordination nationale pour la transition démocratique et le Pôle du changement – et des personnalités politiques, des représentants de la société civile et des Ligues des droits de l'homme, a été très critique à l‘égard du gouvernement qui a sorti l'artillerie pour empêcher l'opposition de s'exprimer sur un sujet qui touche d'abord à la santé des citoyens et leur environnement et qui porte, d'un autre côté, un coup à la souveraineté nationale. Que ce soient Abderrazak Makri (leader du MSP) ou Mohcine Belabbas (du RCD) ou Soufiane Djilali (président de Jil Jadid) tous regrettent que le régime politique s'occupe beaucoup plus des activités de l'opposition que du règlement des problèmes du pays. «Nous avons appelé à des rassemblements dans les chefs-lieux de wilaya. Dans la capitale, nous avons prévu un sit-in devant la Grande-Poste, mais les pouvoirs publics ont usé de tous les moyens pour nous en empêcher, comme si nous étions leur unique préoccupation. C'est honteux», assène Soufiane Djilali. Hier, lors d'une réunion d'évaluation tenue au siège d'Ennahda, le président de cette formation politique a estimé le nombre de policiers mobilisés pour contrecarrer l'action de l'opposition à 40 000. «Dans la capitale, en 2015, de grandes opérations de répression ont eu lieu ; on a à tout prix empêché des citoyens de tenir un rassemblement de solidarité avec les gens du Sud», a décrié le patron d'Ennahda, qui se réjouit toutefois qu'en dépit de la matraque exhibée par les forces de l'ordre, les rassemblements à travers les wilayas, y compris dans la capitale, étaient une réussite. «Ces actions contre le gaz de schiste sont les plus importantes après la conférence de Mazafran», pensent les responsables de l'ISCO. Pour Mohcine Belabbas, il s'agit là d'une première action importante menée après l'indépendance du pays par des forces politiques réunies dans le cadre d'une instance qui réussisse à organiser le même jour des rassemblements à travers les 48 wilayas du pays. «La répression des services de sécurité, nous nous y attendions et nous la dénonçons. Il y a eu plus de 300 arrestations et, hier matin, certains détenus n'étaient pas encore libérés», condamne le responsable du RCD. «Pourquoi tant de brutalité alors que l'Etat d'urgence n'est plus en vigueur», s'est interrogé un responsable des droits de l'homme. Dans un communiqué sanctionnant cette réunion, les membres de l'ISCO ont en effet dénoncé «l'utilisation des services de sécurité par les autorités publiques pour réprimer les citoyens qui ont décidé de sortir le 24 février en solidarité» avec les habitants d'In Salah ; ils ont également dénoncé la programmation de festivités pour «parasiter» le travail de l'Instance de suivi et de consultation de l'opposition.