Le projet de loi en débat prévoit des sanctions allant de trois à vingt ans de prison pour un homme qui violente sa femme. Les lois algériennes et le dispositif normatif en matière de droits de l'homme ne renferment aucune disposition allant dans le sens de protéger la femme contre la violence, notamment dans les situations où elle est particulièrement vulnérable pour des raisons liées à sa condition sociale, familiale ou professionnelle. Comment donc protéger la femme de toutes les formes de discrimination et de violence physique, verbale, sexuelle et économique ? Les pouvoirs publics, à travers le ministère de la Justice, ont pris le soin de revoir le code pénal afin de modifier certaines dispositions et en introduisant de nouvelles incriminations. Cet avant-projet de loi modifiant et complétant l'ordonnance du 8 juin 1966 portant code pénal a été présenté par le garde des Sceaux, Tayeb Louh, avant la clôture de la session d'automne, il a été par la suite examiné par la commission des affaires juridique de l'APN. Hier, c'était au tour des députés de débattre de ce projet. Si les députés du Parti des travailleurs et ceux de la majorité ont accueilli favorablement ce projet, les islamistes, hommes et femmes, ont, pour leur part, affiché ouvertement leur rejet de ce document juridique, prétextant qu'il s'agit d'une ingérence dans les affaires internes du couple. «Nous demandons le retrait pur et simple de ce projet qui porte atteinte à la cohésion familiale. 261 cas de décès en 2012 Le texte prévoit des sanctions allant de trois à vingt ans de prison ferme pour un homme qui violente sa femme. Ce n'est pas normal. Que vient faire la justice dans affaires intimes d'un couple», s'insurge Naalane Laaouar, député du MSP. La députée Fatma Zohra Benar, de l'Alliance de l'Algérie verte, va plus loin dans son raisonnement. Non seulement elle qualifie ce texte d'inutile et de grave, parce qu'il vise la destruction de la cellule familiale, mais elle trouve que l'amendement du code de la famille en 2005 a ouvert la voie à certains dérapages, d'où, selon elle, sa révision dans le sens de «mater» la femme. Aux opposants à ce texte et à leur acharnement, Nadia Chouit, du Parti des travailleurs, réplique qu'en 2012, 261 femmes sont mortes des suites des violences. Ce chiffre alarmant révélé par la Gendarmerie nationale est loin de refléter la réalité du terrain. «Ce sont là, les cas déclarés et nous savons tous qu'il existe des milliers de femmes qui sont violentées, mais qui ne déposent jamais plainte contre le mari, le frère, et encore moins contre un passant, de peur des représailles et du fait que les coutumes et les traditions vont en contresens de ce procédé», dénonce Mme Chouit. Cette dernière qualifie ce texte, certes, d'une première et d'un pas positif, mais regrette qu'au même moment, nous reculons d'un autre pas. Pourquoi ? Le texte prévoit l'annulation de toutes les poursuites pénales, si la victime décide de pardonner à son agresseur. Cette disposition a suscité la colère de certains élus qui revendiquent sa suppression. «Si la victime pardonne pour une multitude de raisons, notamment la pression de son entourage… ces nouvelles dispositions n'auront aucun effet et cet avant-projet de loi n'aura servi à rien. Dans ce cas, nous avons avancé d'un pas et nous avons fait un pas en arrière», lance Mme Chouit, qui pense que le pardon est synonyme d'impunité. Or ce point ligote la femme et l'expose à d'autres pressions. «La violence conjugale est nocive et destructive. Ce texte ne s'ingère pas dans les affaires intimes d'un couple, au contraire, nous considérons que la loi doit s'impliquer dans la sphère privée et doit protéger la femme. Lorsque la relation dégénère dans un couple, la loi doit intervenir pour mettre fin à la violence du mari qui se croit intouchable», fulmine la députée. Elle déplore la limitation de la prise en charge de la violence dans les mesures pénales. «Est-ce qu'un médecin doit porter assistance aux femmes violentées ? Normalement oui, mais celui-ci ne dénonce pas, car il n'est pas protégé par la loi. Qu'en est-il des enfants nés dans une famille de violence ? Ces derniers reproduisent les mêmes comportement et la loi n'a rien prévu à ce sujet», expliquent les députés du PT. Un élu du FJD révèle, à son tour, le chiffre de 6900 cas de femmes violentées et malmenées. Les femmes mariées viennent en première catégorie, suivies des célibataires (1800) et enfin les femmes divorcées. Selon lui, il est urgent de mettre fin à ce phénomène. Par contre, Samia Bouras du FLN réclame la réouverture des centres d'accueil et la création de postes d'assistante sociale. Notons par ailleurs que le vote relatif à ce projet interviendra demain.