Les pilotes de ligne de la compagnie nationale de navigation aérienne Air Algérie viennent de jeter un autre pavé dans la mare dans le sillage de la grosse polémique qui a accompagné la mort accidentelle de trois de leurs collègues à Piacensa, au nord de l'Italie, le 13 de ce mois lors du crash de leur appareil. En effet, ils affirment que la direction d'Air Algérie refuse à ce jour de procéder à la programmation des pilotes au stage de recyclage simulateur réglementaire. Une opération sans laquelle ils ne pourraient prétendre obtenir leurs licences de vol conformément aux règlements de la navigation aérienne en vigueur dans le monde entier. Résultat immédiat, les pilotes de ligne concernés par ce stage risquent tout bonnement d'être « cloués » au sol et de ne pas pouvoir voler aussi longtemps qu'ils n'auront pas accompli ce recyclage. Dans un communiqué rendu public jeudi, le syndicat de cette corporation, dont le moral est en berne depuis la catastrophe de Piacensa, dénonce ce qu'il qualifie « d'ancestrales pratiques d'intimidation » de la direction de la compagnie qui rechigne à saisir officiellement le centre simulateur de la Royal Air Maroc (RAM). En désespoir de cause, les pilotes ont pris sur eux d'effectuer la démarche pour arracher leur stage avec les moyens du bord. Ainsi, leur syndicat, le SPLA, vient de saisir le président de l'Union maghrébine des pilotes de ligne, dont il est membre fondateur, pour intercéder auprès du centre simulateur de la RAM, basé à Casablanca, afin d'obtenir la programmation de leur recyclage. Indignés par l'entêtement inexpliqué des responsables d'Air Algérie de s'occuper de cette procédure administrative, qui plus est relève de ses missions, les pilotes le sont d'autant plus que la compagnie fait face au rush des passagers en cette période de retour des vacances. Le SPLA précise dans son communiqué que la tentative qu'il a entreprise pour débloquer la situation est motivée par le souci de ne pas pénaliser les voyageurs qui « sont les premières victimes ». En effet, si ces pilotes n'obtenaient pas à temps le renouvellement de leurs licences de vol, c'est tout le programme de dessertes d'Air Algérie qui sera chamboulé, en ce sens que le nombre de pilotes ne suffira pas pour assurer les rotations dans le cadre du « programme été » de la compagnie. Le mal du ciel... Des retards et autres annulations de vols sur les différentes destinations ne sont donc pas à exclure si la mission de bons offices tentée par le SPLA auprès de la RAM venait à échouer. Ainsi, après le drame qui a emporté leurs trois collègues, les pilotes s'enfoncent un peu plus dans la zone de turbulences avec cette histoire de renouvellement des licences de vol et le divorce avec les responsables de leur compagnie qui semble être consommé. Déjà, au lendemain du crash, le collectif des pilotes de ligne a répondu massivement au mot d'ordre du SPLA pour observer un arrêt de travail entre 14h et 16h le 15 de ce mois. Par cette mesure, le syndicat a exprimé son « indignation et sa colère envers notre direction générale » coupable de n'avoir pas présenté ses condoléances aux familles des navigants tués dans le crash et de n'avoir manifesté « aucun signe de solidarité et de compassion envers notre collectif ». Mais il faut dire que le contentieux entre les pilotes et les responsables d'Air Algérie n'est pas réductible à une réaction émotionnelle liée à l'accident. Un sondage effectué par le SPLA au mois d'août dernier renseigne assez clairement sur le désarroi d'une corporation qui en a manifestement marre du ciel à cause des conditions de travail dans lesquelles elle évolue. Ainsi, 56,7% parmi les pilotes estiment que les conditions de préparation des vols au niveau des opérations aériennes doivent être améliorées tandis que 33,3% les trouvent tout simplement mauvaises. Mais le plus grave pour des passagers, c'est que 76,7% des pilotes avouent travailler sous pression. Pis encore, 87% pensent que la sécurité des vols laisse trop à désirer et qu'elle devrait être améliorée. Et c'est tout naturellement que 86,6% des pilotes déclarent vouloir changer d'air à la prochaine proposition d'une compagnie étrangère. Ces données traduisent à l'évidence tout le malaise d'une corporation qui réclame vainement une mise à niveau technique et « humaine » de la compagnie dans un secteur où les erreurs se payent cash. Crash !