La colère des travailleurs, a déclaré M. Arezki Ouyahia, secrétaire général du syndicat d'entreprise, dure depuis longtemps. Le crash de l'Hercule en Italie a été la goutte d'eau qui fait déborder le vase. Nous avons attendu que nos collègues soient enterrés pour faire état de nos préoccupations et tirer la sonnette d'alarme ». M. Ouyahia a expliqué que les conditions de travail au sein de la compagnie, notamment à bord des avions, « ne répondent ni aux normes de sécurité des appareils ni à celles de la santé de l'équipage. Notre profession est méconnue alors que nous sommes partie prenante dans la sécurité. Normalement, nous travaillons trois jours, et le quatrième est celui du repos. Ce régime n'est jamais respecté. Plus grave, les normes internationales en matière de sécurité imposent un nombre bien précis de membres d'équipage à bord des appareils, alors que sur nos vols nous partons souvent en nombre très réduit... ». Le syndicaliste a insisté sur l'importance du rôle du personnel navigant commercial à bord des avions, en rappelant que ce sont ces derniers qui ont aidé à l'évacuation des passagers lors de l'atterrissage forcé à Seville, en Espagne, il y a quelques mois. « Nos responsables n'accordent aucune importance à notre métier et font tout pour nous reléguer au dernier rang, comme la dernière roue de la charrette. Le ministre des Transports a lui aussi établi cette discrimination, en annonçant juste après le crash de l'Hercule d'Air Algérie en Italie, que les revendications des pilotes et des mécaniciens seront prises en charge, sans pour autant évoquer celles du PNC. Nous ne voulons pas faire de différence entre pilotes et copilotes, entre commandants de bord et stewards, entre mécaniciens et commandants de bord, comme le font depuis des années les plus hauts responsables de la compagnie. Ces derniers ont toujours pratiqué la politique de division pour mieux étouffer toute contestation. A bord d'un avion, que ce soit pour des raisons techniques ou autres, le danger guette tout le monde. Parce que la mort ne choisit pas... », a déclaré M. Ouyahia. Ce dernier a remis sur le tapis la question des salaires du PNC. « Regardez le salaire de nos hôtesses de l'air », a-t-il lancé en exhibant plusieurs fiches de paie, « il ne dépasse même pas les 10 000 DA, et certaines-même 4000 DA. Ce sont là quelques cas seulement d'hôtesses recrutées début 2004, dans le cadre de la politique de désenclavement du Sud et qui, à ce jour, exercent avec des contrats à durée déterminée. D'autres cas exercent avec le même contrat depuis 1997 et de surcroît sans le certificat de sauvetage et de sécurité. Cette situation anachronique touche également le personnel de Khalifa recruté il y a près de quatre ans et qui travaille depuis sur la base de contrats à durée déterminée... », a noté M. Ouyahia. SURCHARGE DANS LE VOLUME HORAIRE Pour lui, les responsables, au lieu de régler ce problème « ont accentué le malaise » en décidant d'annuler les congés prévus au mois d'octobre. « Nous avons travaillé sans relâche avec un nombre d'heures de vol qui dépasse largement les normes, en plus de cela, voilà que les responsables de la compagnie décident de geler tous les congés du fait des voyages pour la Omra. Cette situation risque de perdurer puisque juste après, ce sera la période du pèlerinage et aucun d'entre nous ne pourra se reposer. Nous ne pouvons pas continuer à travailler autant. C'est très dangereux, non seulement pour la sécurité des vols, mais également pour notre santé... ». M. Ouyahia n'a pas manqué de se demander pourquoi le rapport d'enquête sur l'atterrissage forcé de Seville, ou encore celui sur le crash de l'Hercule à Milan, en Italie n'ont pas été publiés. A propos de ce dernier accident, le syndicaliste s'est déclaré « stupéfait » des conditions dans lesquelles l'appareil, connu pour sa robustesse et sa sécurité, et sortie à peine d'une révision générale, puisse exploser en l'air. « Nous pensons qu'il y a autre chose derrière ce crash et nos responsables ne veulent pas exiger la vérité... », a-t-il déclaré. Ces interrogations ont été soulevées également par des pilotes d'Air Algérie, avec lesquels nous nous sommes entretenus. L'appareil, un quadrimoteur, Lookeed C130, avait perdu de sa puissance et de son altitude, pour dévier subitement de sa trajectoire. De nombreux témoignages rapportés par la presse italienne ont fait état, à l'époque, d'une forte explosion en plein air, alors que l'appareil a été totalement désintégré. Ces deux éléments d'information ont été suffisants pour les nombreux collègues des défunts d'écarter toute erreur humaine, du fait des compétences professionnelles du pilote et du copilote, mais également technique, eu égard à l'expérience du mécanicien de bord et aussi le fait que l'appareil venait de sortir d'une révision générale. Une commission d'enquête composée d'un représentant du ministère des Transports et deux autres personnes, dont un commandant de bord d'Air Algérie, a été dépêchée sur les lieux pour tenter de comprendre ce qui s'est passé réellement au quartier inhabité de Bresurica, à Piacensa. Cette commission n'avait, malheureusement, que le statut d'observateur dans cette enquête, confiée, selon la Convention de Chicago, au pays où a eu lieu le crash, en l'occurence l'Italie. Contacté, Tayeb Benouis, P-DG d'Air Algérie, a refusé de commenter les interrogations des syndicalistes sur le crash de l'Hercule au sud de Milan, estimant que la compagnie ne peut spéculer sur l'origine de l'accident en dehors des résultats de l'enquête officielle. Il a mis en exergue les compétences professionnelles de l'équipage mais aussi le bon état technique de l'appareil. Ce qui laisse croire que le responsable écarte totalement le motif lié à la défaillance technique ou aux carences dans la maintenance. M. Benouis a, cependant, affirmé que la compagnie a fait appel à un bureau d'expertise américain, spécialiste dans le domaine de l'aviation civile pour suivre de très près cette enquête. Il a reconnu, par ailleurs, que l'Algérie attend toujours le rapport des autorités espagnoles sur les circonstances de l'atterrissage forcé du Boeing 737-600 à l'aéroport de Seville.