Vingt-trois août 1996-23 août 2006. Dix ans de lutte pour les sans-papiers. Rien n'a réellement changé. Les expulsions sont toujours d'actualité. Il y a 10 ans, Jean-Louis Debré, alors ministre de l'Intérieur, aujourd'hui président de l'Assemblée, promettait de procéder avec « cœur et humanité ». Aujourd'hui, son successeur Nicolas Sarkozy se définit comme « humain et ferme ». Rien de nouveau sous la grisaille parisienne. En août 1996, Jean-Louis Debré après avoir fait adopter des lois restrictives sur l'immigration, avait ordonné l'évacuation de l'église Saint-Bernard, point focal d'une mobilisation engagée depuis plusieurs années pour la régularisation des familles sans papiers. Les images des policiers défonçant une porte à la hache avaient frappé l'opinion et la mobilisation des associations n'a jamais cessé depuis. Aujourd'hui, Nicolas Sarkozy durcit encore plus la loi, revient sur la régularisation au bout de 10 ans pour les sans-papiers, accordée par Jean-Louis Debré et entend expulser 25 000 clandestins par an. Nicolas Sarkozy entend être ferme et expulser avec humanité les familles des élèves sans papiers. Son médiateur, Arno Klarsfeld, se charge de la communication. Plus il est ferme, plus son électorat et celui de l'extrême droite applaudissent. En 1996, l'église Saint-Bernard était le haut lieu de lutte pour les immigrés irréguliers. Aujourd'hui, grâce au collectif qui réunit des dizaines d'associations, Réseau éducation sans frontières (RESF), c'est l'école qui prend le relais. « Les Français étaient émus de voir des policiers enfoncer une porte d'église à la hache, ils le seront aussi en voyant des chaises vides à l'école », misent les associations. L'apôtre de « l'immigration choisie » ne semble pas très serein. « A la rentrée, nous ne tolérerons aucune chaise vide », avertit Richard Moyon, porte-parole de RESF, qui estime que 50 000 enfants pourraient être menacés d'expulsion. Continuité politique et historique La parenthèse socialiste était un signe d'espoir pour les immigrés mais possède aussi un goût amer d'inachevé. Revenue au pouvoir, la gauche a régularisé entre 1997 et 2002 près de 80 000 personnes sur décision du ministre de l'Intérieur Jean-Pierre Chevènement. Pourtant, ce dernier s'est abstenu d'abroger les lois Debré. Selon les estimations les plus courantes, 300 000 à 500 000 étrangers vivraient en France sans titre de séjour. Les Africains sont majoritaires. La plupart travaillent, notamment dans le bâtiment, la restauration ou l'entretien. « Leur expulsion est humainement problématique, puisqu'ils sont souvent insérés de longue date en France et que leurs liens avec leur pays d'origine se sont fréquemment distendus. » A ce constat, il faut ajouter la difficulté de reconduire à la frontière des dizaines de milliers de personnes. Même si les autorités françaises ont réussi à raccourcir les délais de procédure d'expulsion, il n'en demeure pas moins que certains pays sources rechignent à admettre la nationalité de leurs ressortissants en l'absence de documents officiels. Documents que les sans-papiers s'empressent de détruire dès qu'ils plongent dans la clandestinité. Il y a dix ans Saint-Bernard, il y a quelques jours Cachan. C'est par un jeudi gris que des centaines de CRS ont pris position autour du campus universitaire de Cachan, le plus grand squat d'Europe, pour évacuer les « illégaux ». Les Français découvrent, médusés, que les squatteurs ne sont pas tous sans papiers mais que des dizaines d'entre eux sont des travailleurs pauvres, incapables de se loger avec leurs salaires. La situation devient dangereuse. Les squatteurs refusent d'aller à l'hôtel et exigent une solution pérenne. Certains entament une grève de la faim. Squat de Cachan, expulsions, question pendante des familles sans papiers d'enfants scolarisés, l'immigration est de nouveau sous les feux de l'actualité. Comme à la veille de chaque élection, l'immigré servira de punching-ball, de cache-misère, de bouc émissaire.