Par Pr Mourad Baghriche Pédiatre. Ancien Directeur général de la santé Le Plan cancer 2015-2019 est enfin lancé et son contenu est maintenant connu d'une partie des professionnels de la santé et des mouvements associatifs. On sait que cette initiative est celle du président de la République qui a eu l'heureuse idée de confier ce chantier complexe au Professeur Messaoud Zitouni, connu pour sa compétence, sa discrétion et son indépendance intellectuelle. Lequel après s'être entouré d'une équipe qualifiée et volontaire s'est mis rapidement à la tâche. Le programme nous est livré dans une brochure bien composée et agréable à lire. Il constitue un modèle de ce que devrait être un programme national de santé. Parmi les points forts de ce document, on peut noter : une approche originale, une méthodologie cohérente avec introduction de notions de budgétisation de toutes les actions, un échéancier précis de leur réalisation et une analyse objective des caractéristiques du système national de santé actuel accompagnée de recommandations pour corriger les nombreux dysfonctionnements signalés.
Le contenu du plan Cancer national et le cheminement de son élaboration
Le programme a défini ses objectifs à partir des données épidémiologiques disponibles dans le pays, notamment sur les cancers les plus fréquents selon l'âge et le sexe. Ainsi, cinq types de cancers devant bénéficier d'une attention particulière sont identifiés (sein, poumon, colon-rectum, prostate, thyroïde). Les informations épidémiologiques recueillies provenant à la fois d'un fonds documentaire minutieusement rassemblé et de visites sur le terrain ont été consignées dans un rapport présenté à un conseil interministériel réuni à cet effet, lequel a validé la création de groupes de réflexion sur les grandes thématiques du cancer et les a chargés de proposer des actions concrètes aux problèmes identifiés. Une nouvelle vision stratégique centrée sur le malade a été priviligiée. Elle est déclinée en huit axes (lutte contre les facteurs de risque, par exemple le tabagisme, amélioration du diagnostic, orientation et accompagnement du patient, renforcement et rationalisation des ressources financières). Le programme est, in fine, traduit en 19 objectifs, 60 actions et 239 mesures. Les renseignements sur les caractéristiques de notre système de santé rapportés dans le document sont intéressants à rappeler. - L'Algérie dispose en termes d'infrastructures sanitaires d'une large couverture à l'échelle nationale. A la fin du plan, en 2019, le pays compterait 20 CHU et 250 hôpitaux. - La dislocation de la pyramide des soins due à la décision irresponsable de supprimer les secteurs sanitaires (décret 07-140 du 19 mai 2007) a eu des conséquences catastrophiques sur la hiérarchisation des soins, la coordination entre les hôpitaux et les structures extra-hospitalières et l'exécution de tous les programmes de prévention, celui du cancer en particulier. - L'urgence de modifier le type de gouvernance du système de santé par une territorialisation de l'offre de soins et une décentralisation effective vers des instances régionales et locales centrées sur des bassins de populations. Ce nouveau découpage doit être consacré par des textes réglementaires. L'administration centrale du ministère de la Santé devrait recentrer ses missions sur son grand rôle de tutelle (vision politique, stratégies et contrôle). Les enseignements suscités par la procédure utilisée dénotent d'un grand progrès. Dès lors que la mise en place d'un Plan cancer est confiée à un groupe d'experts libres de toute subordination administrative est un indicateur d'une réelle volonté politique de faire réussir l'initiative. Ce point a une grande valeur pédagogique. Il est peut-être le prélude (c'est ce qu'il faut souhaiter) d'une nouvelle démarche de la part de l'Etat de décider un jour de la création de comités, voire d'organes et d'agences indépendantes de tout ministère à qui il attribuera des prérogatives d'expertise et d'accréditation sur la pertinence et la qualité des prestations de santé et qui seront sous la tutelle des plus hautes autorités de l'Etat. De nombreux pays s'y sont résolus pour améliorer la qualité de leur système de santé. Ceci dit et malgré le bon niveau du programme, il ne peut échapper à quelques critiques. - La numérotation des mesures figurant à l'annexe 03 est parfois erronée. - Le programme passe sous silence les normes auxquelles doivent répondre les centres d'oncologie, notamment pédiatriques. Il ne contient pas des propositions sur la formation du personnel médical et paramédical (quand ? Comment ? Où ?), sur les organigrammes des services d'oncologie, sur les statuts et les plans de carrière des différents personnels, surtout que des nouveaux métiers sont à prévoir. C'est vrai que tout ne pouvait pas être maîtrisé ni dit au départ, mais c'est en saisissant cette opportunité d'un programme qui a le soutien officiel du chef de l'Etat qu'on peut enregistrer des avancées et que le problème des supra-spécialités rassemblées autour d'un plateau technique moderne, imposée entre autres par une prise en charge sérieuse du cancer dans chaque grande discipline, surtout en pédiatrie, trouvera un début de solution.