L'accord sur le nucléaire iranien est une jurisprudence décisive pour les autres pays qui souhaitent produire de l'électricité à partir de l'atome. L'Algérie en fait partie. Le PDG de Sonelgaz l'a encore rappelé dans ce fameux entretien à Oil and Gas Business (OGB) où il a développé sa vision de la transition énergétique nationale. Que faut-il retenir de l'accord de Lausanne de la semaine dernière qui intéresse une future filière électronucléaire algérienne ? La localisation du cycle du combustible en Iran. Les occidentaux avaient, pour sortir les négociations de l'impasse, proposé en 2008 à Téhéran de délocaliser en Russie la filière de l'enrichissement de l'uranium qui permet de fournir le combustible aux centrales électronucléaires. Ce que l'Iran a refusé. L'enjeu est bien sûr là. Pouvoir développer, ou pas, le cycle du combustible nucléaire dans son pays. Les Emirats arabes unis ont opté pour l'autre option. Ils ont acheté en 2009, à un consortium sud-coréen conduit par Kepco, pour 20,4 milliards de dollars 4 centrales électronucléaires de 1400 MW chacune, qui leur permettront d'assurer 25% de leur production d'électricité dès 2020. Mais le combustible de ces centrales, l'uranium faiblement enrichi, sera livré de l'étranger. Les Iraniens ont fait beaucoup de concessions depuis l'arrivée du président Rohani. Ils ont renoncé à la bombe atomique - objectif latent - en acceptant de réduire de 90% le nombre de leurs centrifugeuses, qui permettait d'enrichir l'uranium au-delà du seuil militaire. Ils ont accepté de stopper le réacteur d'Arak qui produit du plutonium, une alternative à l'uranium enrichi. Mais ils ont obtenu le droit de développer toute la filière du nucléaire civil chez eux. Et donc celui d'abriter un cycle complet du combustible, avec les séquences de l'enrichissement de l'uranium. C'est cette jurisprudence qui intéressera l'Algérie si elle venait à passer en mode de production de centrale électronucléaire. Le premier appel d'offres est annoncé pour 2018. L'enrichissement de l'uranium algérien pour faire tourner les futures centrales électronucléaires sera au cœur de l'enjeu industriel et géopolitique de ce marché. Grâce à l'Iran, l'Algérie pourra revendiquer d'enrichir elle-même l'uranium qui servira de combustible à ses centrales nucléaires. Petit bémol, le stock de minerai d'uranium algérien ne permet pas de faire tourner plus de deux centrales de moyenne capacité durant 25 ans. Les spécialistes sont formels. La filière ne devient économiquement compétitive qu'avec une masse technologique critique de 4 centrales. Comme aux Emirats. La jurisprudence iranienne est là. Mais l'Algérie a encore le choix de ne pas y faire appel. En retirant, par exemple, le nucléaire de son futur mix énergétique. Une autre information vient faire écho à celle de Lausanne. Les investissements dans le renouvelable sont repartis à la hausse dans le monde en 2014. C'est le 9e rapport annuel du PNUE qui le dit. Après un recul de deux années, les investissements mondiaux dans les énergies vertes ont repris une courbe ascendante. Progression de 17% en 2014, pour atteindre 270 milliards de dollars. En une seule année, les capacités additionnelles en ENR dans le monde ont atteint le record absolu de 103 GW. C'est-à-dire l'équivalent de toute la capacité des centrales nucléaires actives aux Etats-Unis. Mieux encore, les 103 GW de capacités énergétiques provenant du renouvelable représentent la moitié de la totalité des capacités électriques additionnelles générées dans le monde en 2014. La nouveauté dans cette évolution est le rôle de locomotive que jouent désormais les émergents. Leurs investissements touchant aux énergies renouvelables ont progressé de 36% à 131 milliards de dollars. Certes, l'apport de la Chine pèse en 2014 pour plus d'un quart dans la progression mondiale de l'investissement dans les énergies renouvelables. Mais surtout, en dix ans, entre 2004 et 2014, le gap dans l'investissement dans le renouvelable s'est pratiquement comblé entre pays en développement et pays développés. Il était de 4 à 1 en début de période. Il s'est quasiment nivelé l'année dernière. Par filière, c'est l'accélération de la Chine et du Japon dans le solaire qui a relancé les investissements dans le renouvelable. La conjoncture le démontre. Le marché de l'énergie renouvelable est peu sensible à celui du pétrole. La baisse des cours de cette énergie fossile n'a pas de conséquence sur les investissements dans le solaire par exemple. Ceux-ci dépendent en priorité de la baisse tendancielle des coûts du kilowatt-heure d'origine solaire. Or, sur ce front, la nouvelle la plus forte de la semaine est venue de la bouche de Nourredine Yassa, directeur du CDER, le Centre de développement des énergies renouvelables. Selon lui, la baisse vertigineuse du coût du solaire photovoltaïque le rend déjà concurrentiel du pétrole et du gaz pour produire de l'électricité. Et dans des pays moins ensoleillés que l'Algérie. Il faudra sans doute l'expliquer à M. Bouterfa, le manager public en charge de développer le solaire en Algérie. Et qui avoue ne voir les ENR que comme appoint dans un bouquet où doivent figurer le gaz de schiste et le nucléaire. L'impact du documentaire de Thalassa «Algérie la mer retrouvée» confirme combien l'Algérie reste un pays fermé. La preuve, la grande majorité des Français qui ont été 2,6 millions à suivre sur France 3 ce format long de Thalassa, ont découvert un pays qu'ils connaissent peu. La tonalité de l'émission est celle d'une intrusion en terra incognita. En 2015, pour un pays voisin de l'Europe du sud, lié à la France par une communauté de plusieurs millions de personnes ! L'Algérie, une sorte d'Albanie tardive. Le développement du tourisme est pourtant une anticipation rationnelle sur l'émergence du monde nomade qui nous attend, où le temps libre commande les nouvelles habitudes de consommation. L'Algérie continue de tourner le dos à ce gisement renouvelable. En 2013, le chiffre du tourisme dans le monde était de 7000 milliards de dollars, l'équivalent de 9% du PIB mondial. 283 millions de personnes y sont employées. En 2015, la seule obtention d'un visa pour venir en Algérie est un parcours du combattant que n'affrontent que les hommes d'affaires motivés. Bienvenue quand même.