La récente intervention des services de police pour libérer les 60 logements sociaux que des citoyens avaient squattés deux semaines auparavant au lotissement Moul Ediwane, dans la daïra de Draâ Ben Khedda, illustre une situation où « l'Etat n'est pas absent ». Les squatters de ces appartements n'ont pas attendu que les forces du maintien de l'ordre les expulsent à coups de matraques ou de bombes lacrymogènes, mais ils ont préféré quitter les lieux la veille de l'assaut dans la soirée. Pourtant, l'évacuation de ces 60 logements à Draâ Ben Khedda n'est qu'un épisode du long feuilleton de l'occupation illégale des immeubles auquel l'OPGI et l'administration locale font face ces dernières années. En effet, plus d'un millier d'unités sont squattées depuis 2001 et 2002 et leur évacuation se complique davantage. Les dossiers de ces logements traînent au niveau des tribunaux sans que la décision finale ne soit prise. L'on se demande ainsi pourquoi les autorités ont réussi à expulser les squatters de quelques jours et non ceux de trois ou quatre années ? Les premiers ont dû abdiquer à la décision de l'autorité publique parce qu'elle est intervenue à temps, tandis que les seconds ont pris le temps de « s'enraciner » dans ces appartements mal acquis. Devant les juges, les anciens squatters réclament des indemnisations sur les fonds qu'ils ont dû dépenser le long de ces années pour améliorer leurs logements. A cette époque, les services de sécurité ne sont pas intervenus à temps pour déloger les squatters eu égard au large fossé qui s'est creusé entre la population locale et les représentants de l'Etat, à leur tête la gendarmerie et la police, dans le sillage de la crise sanglante du printemps 2001. La « mise en quarantaine » des services de l'Etat, notamment durant les années 2002 et 2003, a débouché sur un climat d'anarchie à travers toute la région et dont les conséquences interpellent aujourd'hui la population. Si, à cette époque, la force publique a été utilisée pour la tâche qui lui sied, à savoir la défense des biens publics et des citoyens et non pour réprimer dans le sang des manifestations de jeunes avides de liberté, la Kabylie aurait pu éviter le désordre dans lequel elle se débat aujourd'hui.