Hamid est parti. Ce n'est pas un détournement de fonds ou de budgets comme on en voit souvent. Ce n'est pas non plus une arrestation policière pour tentative d'attroupement non armé ou un meurtre par la main d'un terroriste pas très bien repenti. Hamid est parti, de nuit, dans la discrétion, comme un harraga déçu par les difficultés de la vie locale. En cause, l'incivisme rigolard des Algériens qui ont affublé la statue de Abdelhamid Ben Badis inaugurée à Constantine de divers objets, téléphone portable, cigarette, stylo ou café. Du street art qui n'a pas été apprécié pour ce qu'il était et il semble que ce soit la famille Ben Badis qui ait demandé à déplacer sa statue ailleurs, dans un endroit bien gardé à l'abri de la population. Entre le symbole et la symbolique, la présentation et la représentation, le crépuscule des idoles est venu faire tomber les dernières statues en cette époque de photos de rois déifiés, socles sacralisés, bustes hautains de momies vénérées, de la glorification de martyrs qui n'en n'ont jamais été et des faux moudjahidine qui ont réussi à entrer par la porte de la salle de bains dans les rouages de l'Etat. Hamid n'est pourtant pas de ceux-là et si on le lui avait demandé, il n'aurait probablement pas accepté d'être statufié pour devenir une pierre. Mais dans les villages et campagnes environnantes à Constantine, on murmure avec perfidie que Ben Badis aurait été victime d'une malédiction de Massinissa lancée par le fantôme de l'ombre de la statue qu'il n'a pas eue. D'autres, plus rationnels, évoquent le statut de la statue et Constantine, capitale du départ. Hamid est parti, les fonds sont partis, les enveloppes avec et les surfacturations ont fini de truquer le marché de l'argent contre de la culture, engendrant des surcoûts dont le pays se serait bien passé. Aux dernières nouvelles, Hamid aurait été rangé dans un placard. A qui le tour ?