Tayeb Zitouni, ministre des Moudjahidine, a relancé, ces dernières semaines, le débat sur l'écriture de l'histoire de la guerre de Libération nationale. L'écriture doit, selon lui, se faire «par des plumes intègres et sincères parmi les historiens et les chercheurs». Que pense Tayeb Zitouni des livres sur le Mouvement national parus en Algérie ces dernières années et qui ont suscité des débats plus ou moins intéressants ? Le ministre des Moudjahidine préfère parler de «plumes sincères». «Notre priorité est l'écriture de l'histoire», a-t-il déclaré à nos confrères d'El Moudjahid et de l'APS. Il est, selon lui, important d'écrire l'histoire de la Révolution du 1er Novembre 1954 à partir des archives nationales et des témoignages de moudjahidine encore vivants. Des propos qui auraient pu être logiques et justes au lendemain de l'indépendance de l'Algérie. Mais faire un plaidoyer pour l'écriture de l'histoire 53 ans après le recouvrement de la souveraineté nationale paraît insensé et incompréhensible. Il se trouve justement que beaucoup de moudjahidine qui avaient des choses à diresont décédés sans que leurs témoignages soient recueillis. Quel est donc le rôle de l'Organisation nationale des moudjahidine (ONM) censée sauvegarder la mémoire du combat contre le colonialisme français ? «Les Algériens doivent connaître leur histoire. Le ministère des Moudjahidine ouvrira les institutions sous sa tutelle à toute personne désirant accéder aux archives», a soutenu Tayeb Zitouni. Il n'a rien dit sur les archives détenues par le ministère de la Défense qui ne les a toujours pas restituées à la communauté nationale pour reconstituer la mémoire de la Guerre de libération. Le ministre des Moudjahidine a indiqué que son département ne s'ingère «aucunement» dans l'écriture de l'histoire. «Sa première et dernière mission consiste à rassembler la matière historique brute et à la mettre à la disposition des spécialistes», a-t-il soutenu. Les rares historiens algériens qui ont écrit sur la guerre de Libération nationale se sont plaints de n'avoir pas pu accéder aux archives et à certains documents toujours classés «secret-défense» en Algérie. Il existe également certaines complications pour consulter les archives liées à la période coloniale en France. Alger et Paris sont toujours en litige autour de la restitution des archives. Les négociations entre les deux capitales n'ont encore pas abouti. Au-delà de cette situation, il est évident que les historiens algériens ont largement failli à leur mission de révéler les non-dits de la guerre de Libération nationale, de dévoiler les vérités cachées du GPRA et de l'ALN-FLN. Ces dernières années, les livres d'histoire qui ont suscité plus le débat ou la polémique ont été édités à l'étranger. Combien de thèses de mastère ou de doctorat ont été consacrés à l'histoire du Mouvement national au sein de l'université algérienne ? Et combien de thèses ont été mises à la disposition du grand public ? Selon des statistiques révélées lors du dernier Salon international du livre d'Alger (SILA), en 52 ans, à peine 400 ouvrages ont été publiés sur la guerre de Libération nationale. En France, pour ne citer que cet exemple, le nombre de livres consacrés à «la guerre d'Algérie» a dépassé les… 4000. En Algérie, il existe peu de livres sur les massacres du 8 Mai 1945 à Sétif, Guelma, Kheratta et autres villes. Peu de photos et presque pas d'images filmées. Le cinéma algérien, contrairement à ce que l'on pourrait penser, a produit très peu de documentaires sur la lutte des Algériens contre le colonialisme français, sur les enfumades du Dahra, sur les essais nucléaires du Sahara, les tortures massives des années 1950 par les généraux français ou le pillage d'Alger et des autres villes en 1830. S'agit-il d'une volonté politique d'effacer la mémoire de la période coloniale en Algérie ? Ou d'une paresse générale avec la complicité avec l'élite intellectuelle et scientifique ? Tout reste à écrire sur le Mouvement national. Cela ne se fera qu'après avoir surmonté les blocages politiques, les rancunes du passé et les mensonges du présent.