Un remboursement mensuel qui ne doit pas excéder 30% du salaire net et s'étalera entre 3 et 60 mois ; un taux d'intérêt moyen de 7%. El Watan Week-end s'est procuré le projet de décret sur le crédit à la consommation, qui devrait être lancé pour le début du Ramadhan et se limitera à l'acquisition de produits algériens. Le projet de décret exécutif relatif aux conditions et modalités en matière de crédit à la consommation a été remis au gouvernement. Selon une source proche du dossier, ce crédit très attendu devrait être lancé au début du Ramadhan. Selon le texte que nous nous sommes procuré, il «permettra à toute personne physique qui agit dans un but privé, en dehors de ses activités commerciales, professionnelles ou artisanales, l'acquisition d'un bien ou d'un service». Que faut-il entendre par service ? Par exemple, une formation professionnelle. Les bénéficiaires du crédit à la consommation seront obligés de rembourser leur prêt dans un délai de 3 à 60 mois. Le montant global de l'échéance mensuelle de remboursement du crédit «ne peut en aucun cas dépasser 30% des revenus mensuels nets régulièrement perçus par l'emprunteur afin d'éviter le surendettement» et permettre aussi au citoyen d'assumer ses dépenses quotidiennes. Le surendettement est un problème majeur que posait jusque-là ce type de crédit. Abderrahmane Benkhalfa, expert en finances et ancien délégué de l'Association des banques et des établissements financiers (ABEF), fait la comparaison avec le crédit immobilier et estime que le risque est important : «Même si l'investissement dans l'immobilier ne doit pas être considéré comme un crédit à la consommation, il reste un crédit et un engagement avec une institution bancaire car le compte de l'acquéreur est débité chaque mois de la somme fixée dans le contrat. Or, on voit aujourd'hui de nombreux citoyens endettés.» Les banques aussi craignent le surendettement de leurs clients, d'autant qu'une personne peut contracter plusieurs prêts auprès de plusieurs banques car il n'existe aucun moyen de contrôle. Le client signe juste un engagement sur l'honneur qu'il n'a pas souscrit de prêt ailleurs. Le texte prévoit tout de même une centrale des risques permettant à la Banque d'Algérie de repérer les clients qui ont bénéficié d'un prêt auprès d'une autre banque. «La centrale des risques est en phase finale de conception et sera opérationnelle en 2015», confie M. Benkhalfa. Made in Algeria Les personnes ayant obtenu un prêt et remboursent chaque mois moins de 30% de leurs revenus pourront toutefois «solliciter un autre crédit, à condition que le taux global des deux prêts ne dépasse pas les 30% du salaire, ajoute l'ancien délégué de l'ABEF. Donc, si un salarié qui gagne 100 000 DA par mois a obtenu un crédit auprès d'une banque et que cette dernière lui débite 15% par mois de son salaire, soit 15 000 DA, il pourra solliciter un autre prêt qui ne devra pas dépasser les 15% pour avoir au total 30% du salaire, ce qui représente 30 000 DA sur les 100 000 DA qu'il gagne régulièrement». Autre aspect important dans la relance du crédit à la consommation : l'obligation d'acheter uniquement des produits made in Algeria. La commission qui a travaillé sur le dossier a, dans un premier temps, proposé des produits dont le taux d'intégration est de 40%. Autrement dit, dont la part des intrants nationaux (matière première et pièces utilisées) dans les produits représente 40% du produit fini afin de le qualifier de «produit local». Mais cette proposition a dû être abandonnée car la commission s'est rendu compte que «la plupart des sociétés font uniquement de l'assemblage, toutes les pièces sont importées» explique Amar Takjout, membre de l'UGTA, qui a travaillé sur le dossier. Il n'y voit, au fond, aucun inconvénient. «Certes, des sociétés algériennes font de l'assemblage, mais il faut aussi admettre qu'elles apportent une valeur ajoutée car elles créent des milliers d'emplois et payent des impôts fiscaux et parafiscaux.» Les entreprises éligibles au crédit à la consommation sont donc, d'après le texte, celles qui «exercent une activité de production ou de service sur le territoire national, qui produisent ou assemblent des biens destinés à la vente aux particuliers et leurs revendeurs et agents dûment agréés par elles». Exclusivité Ces entreprises doivent être «en règle avec l'administration fiscale et les organismes de Sécurité sociale, bancarisées et vendre avec facture», selon le projet de décret. L'un des produits dont on peut déjà parier sur son succès auprès des consommateurs est la Renault Symbol qui détient pour le moment l'exclusivité du marché de l'automobile assemblée en Algérie. Mais Mustapha Zebdi s'inquiète de «la capacité de l'entreprise à répondre à la demande du marché algérien de 350 000 à 400 000 véhicules» au regard de sa production actuelle de 25 000 unités/an. «Si Renault Algérie n'arrive pas à satisfaire la demande du marché algérien, les autorités doivent autoriser les autres marques qui n'assemblent pas en Algérie à vendre leurs produits, estime-t-il. C'est bien d'encourager l'économie nationale, mais il ne faut pas pénaliser le consommateur algérien». En dehors de l'automobile, si les consommateurs ont un choix raisonnable dans l'électroménager et l'informatique, ils auront davantage de mal à souscrire un crédit pour, par exemple, des meubles. «Car il sera difficile de trouver des artisans susceptibles de remplir toutes les conditions exigées dans le décret», souligne un banquier. Le texte précise également «la possibilité de rembourser tout ou partie de son crédit par anticipation avant le terme prévu contractuellement». Mais il ne prévoit pas de taux d'intérêt bonifié : il s'agira d'un taux d'intérêt effectif global annuel exprimé en pourcentage. Selon les estimations de plusieurs banques, les taux d'intérêt vont varier entre 5 et 8%, plusieurs banques ayant d'ores et déjà décidé de le fixer à 7%. Pour Mustapha Zebdi, cette mesure n'est pas égalitaire. «Nous sommes contre l'application d'un taux d'intérêt. Le consommateur de la famille moyenne ou démunie ne doit pas le payer pour plusieurs raisons; certains, par contrainte religieuse, ne peuvent pas en bénéficier. Par ailleurs, pourquoi les gens qui bénéficient des dispositions de l'Ansej ou de la CNAC ne paient-ils pas d'intérêts alors que c'est une activité lucrative ?» Les banques attendent que le décret soit publié au Journal officiel pour lancer ce produit. La liste des entreprises éligibles doit aussi être remise aux banques après la sélection en cours par les ministères de l'Industrie et du Commerce.