En procédant jeudi à un remaniement ministériel, le président de la République, Abdelaziz Bouteflika, a sacrifié notamment deux ministres en charge de départements de souveraineté. Il s'agit de ceux de l'Energie et des Finances. Si pour le second, les questionnements sont vite comblés par des arguments mettant en cause la notoriété de Mohamed Djellab, éclaboussée par les révélations sur l'affaire Khalifa, actuellement entre les mains de la justice à Blida, il en est tout autrement du ministre de l'Energie, Youcef Yousfi. Pourquoi fait-il partie des ministres remerciés, alors que, si on se réfère aux causes qui ont probablement accéléré le départ de certains de ses collègues, sa notoriété et sa probité n'ont jamais été mises en doute contrairement à un certain Amar Ghoul, qui, lui, se voit confier malgré tout, un «double département, Aménagement du territoire et Tourisme» ? Proche du Président, affichant une retenue sans faille face à ses détracteurs. Préservé, voire farouchement défendu par Louisa Hanoune dans ses attaques tonitruantes contre les membres de l'Exécutif, Youcef Yousfi est sans conteste l'énigme du nouveau remaniement. Yousfi a-t-il fait les frais de sa gestion du dossier gaz de schiste ? Bouteflika a-t-il été «obligé», au vu de la conjoncture de s'en séparer pour donner l'occasion au gouvernement de réajuster le tir sur la question qui suscite tant de remous ? Des questions qui s'imposent, car c'est bien vers ce dossier que se tournent obligatoirement tous les regards, depuis l'annonce du départ de Yousfi. Gestion chaotique et maladroite de l'option censée garantir l'avenir énergétique du pays, approximations dans le discours, tantôt conciliant face aux opposants, tantôt ferme et jusqu'au-boutiste. Autant de failles aujourd'hui endossées par procuration par Yousfi, mais qui, en fait, sont celles de Bouteflika en personne, du Premier ministre, Abdelmalek Sellal, et de tous les membres influents du gouvernement. L'éviction de Yousfi va-t-elle être pour l'Exécutif une manière de reculer pour mieux sauter, en adoptant une attitude moins frontale et en révisant les ambitions dans le domaine de l'exploitation des énergies non conventionnelles ? En plus de l'option du gaz de schiste, les spéculations sur le départ du ministre de l'Energie du gouvernement concernent son refus de rencontrer le président du FCE. Ali Haddad, s'est ainsi invité, lors de cérémonies très médiatisées, auprès de tous les ministères, notamment ceux en charge de l'économie, pour exposer les doléances des patrons et sa vision quant à l'amélioration du climat des affaires. S'il a été reçu par le Premier ministre et pratiquement par tous les membres du gouvernement, Ali Haddad a apparemment reçu une fin de non-recevoir de la part de Yousfi. L'attitude du ministre, lors d'une rencontre destinée, il y a quelques mois, à solliciter la contribution des entreprises nationales au programme de développement du secteur, était par ailleurs clairement désabusée quant à la capacité des entreprises privées à y prendre part. La réticence de Yousfi à se rapprocher du FCE, en copiant l'attitude bienveillante de ses collègues du gouvernement, n'est pas passée inaperçue. Les raisons qui la motivent, bien gardées en haut lieu, sont celles que Yousfi n'a peut-être pas voulu négocier, ce qui a dû lui coûter son poste, qu'il ait jeté l'éponge ou qu'il ait été obligé de céder sa place. Benkhelfa, que va faire le ministre de ses analyses d'expert ? Il est à noter par ailleurs que Youcef Yousfi et Mohamed Djellab sont remerciés dans un contexte économique difficile, caractérisé par une baisse drastique des recettes tirées des hydrocarbures suite à la baisse sévère des prix du pétrole. Les deux ministres auraient été évincés pour s'être rendus coupables de ne pas avoir trouver la parade qu'il faut à la crise, malgré les instructions qui leur ont été données voilà des mois par le Président lors du Conseil des ministres restreint consacré à la gestion de la conjoncture difficile ? Dans ce cas, quels critères ont prévalu au choix de Abderrahmane Benkhelfa au poste de nouveau ministre des Finances ? L'homme au bagou certain, départi de sa réserve en tant que délégué général des banques et établissements financiers (ABEF) a multiplié, ces derniers mois, en tant qu'expert, les sorties médiatiques remarquées, dont certaines clairement en défaveur de la politique financière du gouvernement. Des analyses souvent très justes, comme peuvent en faire beaucoup d'experts économiques en toute neutralité politique, mais qui, confrontées à la fonction de ministre tenu par les engagements du gouvernement, risquent de perdre de leur consistance. La conjoncture difficile ne laisse pas beaucoup de temps ni de marge de manœuvre au nouveau ministre, qui aura à peine le temps de mettre noir sur blanc sa stratégie. De toute façon, il sera difficile de ne pas rentrer dans le rang dans un gouvernement dont tous les ministres se targuent, au fil des mandats de Bouteflika, d'appliquer le programme du président de la République.