Annoncé il y a près de six mois, le remaniement du gouvernement Sellal III n'est intervenu que jeudi dernier. Le staff nommé, le 5 mai 2014, soit au lendemain de la prestation de serment du président Bouteflika pour un quatrième mandat, a subi le plus important changement depuis l'arrivée de Abdelmalek Sellal à la tête du Premier ministère en 2012. Plus de dix ministres, dont ceux nommés il y a tout juste une année, ont été priés de quitter le train Sellal pour laisser monter quelques nouveaux «passagers». En effet, près d'un tiers du staff gouvernemental a été changé. Mais ce remaniement suscite encore, comme les précédents, une multitude d'interrogations, tant sur les postes ministériels concernés que sur ses objectifs. Car le «remaniement profond» du gouvernement annoncé, au début de l'année, par le secrétaire général du FLN, Amar Saadani, n'a pas eu lieu. La présidence de la République qui a procédé à ce remaniement s'est contentée, seulement, de trois changements significatifs. Il s'agit d'abord du remplacement du ministre de l'Intérieur et des Collectivités locales, Tayeb Belaïz, devenu ministre d'Etat conseiller spécial auprès du président de la République. Il est remplacé par Nouredine Bedoui, un enfant du sud du pays, qui était ministre de l'Enseignement et de la Formation professionnels. Pour les observateurs, Tayeb Belaïz, un proche du clan présidentiel, pourrait être poussé ainsi vers la porte de sortie de l'Exécutif dans les prochains remaniements. En revanche, Nouredine Bedoui, lui, bénéficie d'une importante promotion. L'autre surprise est la mise à l'écart du ministre de l'Energie, Youcef Yousfi, qui aurait fait les frais de sa gestion de la protestation des populations du Sud contre l'exploitation du gaz de schiste à In Salah. Son poste est confié à Salah Khebri, qui était jusque-là PDG de l'Institut algérien du pétrole (IAP, Boumerdès). Le troisième grand changement concerne le ministère des Finances, dont le titulaire, Mohamed Djellab, quitte également le gouvernement. C'est un spécialiste des finances qui prend sa place, en l'occurrence Abderrahmane Benkhelfa, délégué général de l'Association des banques et établissements financiers (ABEF). A quoi riment ces changements ? Y a-t-il une volonté de revoir la stratégie dans ces secteurs ? La classe politique nationale reste sceptique. Diminuer la pression sur l'Exécutif L'autre lecture possible de ce remaniement est la volonté du pouvoir de diminuer la pression sur le gouvernement, dont plusieurs de ses membres ont été, ces derniers jours, au centre de polémiques et accusations. Ainsi les chefs d'orchestre ont choisi d'abandonner les ministres accusés de «détournement, de mauvaise gestion et de corruption». Ne voulant, décidément, pas reproduire le scénario de Chakib Khelil et Hamid Temmar, maintenus pendant de longues années malgré les critiques dont ils avaient fait l'objet, ceux qui ont préparé ce lifting anticipent en mettant à l'écart les «canards boiteux». Ce qui explique, en partie, le remerciement de Nadia Labidi, désormais ex-ministre de la Culture, et de Hocine Necib, ex-ministre des Ressources en eau. Nadia Labidi est engagée dans une polémique avec la patronne du Parti des travailleurs, Louisa Hanoune, sur la gestion de l'argent destiné au financement de «Constantine, capitale de la culture arabe», et Hocine Necib est chargé «sur une affaire concernant l'obtention par son fils d'un lot de terrain dans la wilaya de Khenchela». Mais ce ne sont pas tous les ministres, dont les noms sont cités dans des affaires de corruption et de détournement, qui ont été limogés. Certains font l'exception. C'est le cas de Amar Ghoul, cité dans le scandale de l'autoroute Est-Ouest, qui devient le plus ancien ministre, en héritant d'un grand ministère qui englobe l'Aménagement du territoire, le Tourisme et l'Artisanat. Sur les neuf ministres partants, il y a aussi Mohamed Tahmi, ministre des Sports, qui aurait été sanctionné pour «son incapacité» à obtenir «l'organisation de la CAN-2017 en Algérie». L'annonce de ce remaniement répond également à une volonté du pouvoir de faire oublier un de ses échecs les plus cuisant : son incapacité à réaliser «une Constitution consensuelle», promise pourtant pour 2014 par le président Bouteflika. Il fallait alors créer un événement politique d'envergure pour meubler le vide sidérant engendré par le renvoi sine die du projet de la Constitution.