Des maladresses sur fond de manœuvres se suivent et ne se ressemblent pas au sommet de l'Etat. Luttes d'intérêt et positionnement de clans au sein du gouvernement ne laissent de se poser la question sur la capacité de Bouteflika à maîtriser la maison Algérie. Délitement au sommet de l'Etat. L'épineux et non moins renversant épisode du remaniement gouvernemental révèle toute l'ampleur du désastre et pose non sans gravité la problématique de gouvernance du pays. L'incapacité évidente du chef de l'Etat, Abdelaziz Bouteflika, à assumer ses fonctions a ouvert la voie à tous les désordres politiques et institutionnels. Le quatrième mandat imposé contre toute logique politique a non seulement enfoncé le pays dans un statu quo périlleux, mais lève le voile chaque jour qui passe sur la désagrégation du système du pouvoir. Le remaniement gouvernemental promptement suivi d'un contre remaniement soulève légitimement la question au mieux d'une incohérence au sommet de l'Etat, au pire des clivages profonds qui minent les différents pôles du pouvoir. Ce qui s'est passé en effet à propos du changement au ministère des Affaires étrangères est difficile à cataloguer dans le registre d'une maladresse due à une quelconque improvisation dans la formation du gouvernement. Car le fait s'ajoute à toute une série de scandales qui ont ébranlé la «République». Est-il possible que la situation est telle qu'elle trahit une grave détérioration des rapports au sommet ? A bien l'analyser, se pose de nouveau et légitimement la question de savoir où se trouve réellement le centre de décision. Et, dans ce cas, qui assure les arbitrages avant les délibérations ? Le fragile état de santé du chef de l'Etat, qui n'est du reste un secret pour personne, autorise toutes les interrogations. Etant fragile au regard des prérogatives que lui confère la Constitution, le Premier ministre, Abdelmalek Sellal, ne peut pas être héritier des missions importantes du Président. La Loi fondamentale n'autorise pas la délégation de pouvoirs. Le directeur de cabinet de la Présidence, Ahmed Ouyahia ? Le frère conseiller du Président, Saïd Bouteflika, qui a un accès direct au chef de l'Etat ? En tout cas, le moins qu'on puisse dire est que cette espèce de cafouillage au sommet a fini par faire désordre. D'aucuns parmi les observateurs les plus avertis de la scène politique ont déjà mis en garde sur les signes patents d'une déliquescence de l'Etat.La sentence sans appel de Mouloud Hamrouche, décrétant un régime «à bout de souffle», prend tout son sens à la mesure des dérapages politiques en cascade. La guerre interclanique qui avait enflammé la période pré-quatrième mandat semble reprendre dans différents compartiments du pouvoir, prenant en otage un pays en proie de surcroît à une crise économique. La trêve n'aura été que de courte durée ? Les enjeux de pouvoir semblent en effet toujours les mêmes qu'avant le scrutin présidentiel d'avril 2014. L'annonce maintes fois reportée de la révision de la Constitution traduit, semble-t-il, toute la difficulté qu'éprouvent les différents pôles du pouvoir à obtenir un accord et à donner un sens politique au quatrième mandat de Bouteflika. Serait-ce une preuve supplémentaire sur un sérail qui peine à maintenir ses équilibres internes ? Il faut rappeler l'épisode du début de l'année en cours, où le clan présidentiel aurait tenté un coup de force devant donner lieu à un changement substantiel touchant les postes stratégiques dans l'architecture du pouvoir politique et militaire. Depuis le 17 avril 2014, intrigues et manœuvres se succèdent et rythment la vie à l'intérieur du régime, plus que jamais dans une impasse. Les trois personnages-clés du pouvoir que sont le président Bouteflika, le général Toufik (patron du Département du renseignement et de la sécurité) et Ahmed Gaïd Salah (chef d'état-major de l'armée), à la lumière de ce durable remue-ménage, semblent a priori diverger sur la méthode devant conduire à la succession. Le fameux appel aux «trois B pour forger un nouveau consensus national» ne trouve pas d'écho, du moins pour l'instant. Il est évident que l'introduction d'un nouvel élément de pouvoir, représenté par ce que Louisa Hanoune qualifie d'«oligarchie», déstabilise les instruments qui, traditionnellement, composent le pouvoir. Une nouvelle donne qui complique l'obtention d'un «consensus» entre les forces en présence. A force de désaccords qui alimentent les tensions et à défaut d'un consensus viable, si la rupture démocratique n'est pas encouragée, il y a risque de rupture violente…