Après le séisme qui a ravagé la région de Katmandu, le président Bouteflika a décidé d'envoyer au Népal un million de dollars et trois avions avec des moyens conséquents pour l'assistance d'urgence. Le colonel Achour, sous-directeur de la communication à la Protection civile, raconte son aventure avec l'équipe des secouristes algériens à El Watan Week-end. - Vous faites partie des 72 secouristes qui se sont déplacés au Népal. Racontez-nous votre périple. La mission a été décidée dès que l'Etat népalais a appelé à l'aide humanitaire internationale. L'Algérie était le seul pays africain et le troisième arabe à avoir répondu présent. Nous étions prêts à partir sur-le-champ, n'était le blocage, faute de terrain, à l'aéroport de Katmandu. On a donc fait escale à Doha le 28 avril, où nous avons passé 32 heures attendant l'aval de l'aéroport. A ce moment-là, nous n'étions que deux à nous déplacer au Népal pour préparer l'arrivée de l'équipe. Sur place, nous avons été reçus par l'état-major du pays accompagné de notre ambassadeur en Inde. On a donc fixé les lieux de notre intervention avant l'arrivée des renforts : Melamchi, une zone marginalisée à 135 km de Katmandu, et où les autres secouristes étaient réticents à l'idée d'intervenir en raison de son inaccessibilité. Cette région montagneuse est coupée du monde, aucune route n'y mène. Le 2 mai, à l'arrivée du reste de l'équipe, on a entamé l'aventure. Cinq heures de route, dont la moitié à pied. Sur notre chemin, on a secouru une vieille dame qui a eu une crise cardiaque. - Les autorités népalaises vous ont-elles aidés à accomplir votre mission ? Autonomes, nous nous sommes déplacés en DRPI, un détachement spécialisé dans le sauvetage-déblaiement. Nous n'avions besoin de rien d'autre que la désignation de notre terrain d'intervention et d'une carte géographique. En plus de cela, l'état-major népalais a mis à notre disposition un officier de liaison depuis Katmandu. Il nous a aussi fourni des camions pour faire la moitié du chemin où les routes étaient franchissables. Notre détachement était polyvalent, composé de plusieurs équipes. Nous avons pu subvenir à tous nos besoins, que ce soit en matériel ou en nourriture. Un DRPI algérien est composé d'une équipe sino-technique avec huit chiens et leurs maîtres, une autre équipe de grimpe, deux médecins de catastrophe et deux paramédicaux et une autre équipe d'installation technique. Nous avions même notre propre cuisinier ! Ainsi on est capables d'intervenir dans n'importe quelle zone et n'importe quelle condition. Contrairement aux autres Etats arabes qui se sont déplacés pour fournir de l'aide matérielle,nous étions présents partout. Une fois à Melamchi, nous avons installé notre camp de base, mais il y a eu des nuits où nous ne rentrions même pas pour nous reposer. Grâce aux séances de briefing de l'officier népalais, nous avons divisé notre détachement en 9 régions (districts). Selon les besoins de chaque région, les équipes en place pouvaient compter jusqu'à 21 sauveteurs. En tout, nous avons pris en charge 45 blessés graves et nous n'avons pas quitté les lieux avant d'être sûrs qu'il n'y avait plus personne sous les décombres. Notre mission accomplie, après cinq jours, nous avons rejoint Katmandu pour rentrer au pays. - Avez-vous ressenti de l'instabilité politique ou les séquelles de la guérilla ? Nous avons plutôt senti la misère et la pauvreté. Les gens vivaient avec leur cheptel, dans les conditions les plus précaires du monde. Leurs habitations étaient en zinc ou en terre, ce qui fait que les poches de survie en cas d'effondrement étaient très rares. Malgré le malheur qui les frappait, les gens étaient souriants et patients. On a, par exemple, rencontré un couple devant leur maison, complètement démolie par l'effondrement d'un pont qui se trouvait au-dessus, en train d'attendre calmement de l'aide pour faire sortir le corps de leur fils sous les décombres. Après l'avoir fait pour eux, les parents nous ont remerciés. «Grâce à vous, on va enfin faire notre deuil», a dit la maman. Dans des situations de besoin, nous avons même partagé notre eau et notre nourriture. - L'Algérie marque régulièrement sa présence sur les lieux de catastrophes naturelles dans le monde, est-ce un principe ? La Protection civile algérienne a toujours répondu présente dans toutes les catastrophes du monde, où on a lancé des appels à l'aide internationale. L'homme de la Protection civile algérienne est un secouriste engagé, quel que soit son grade. En plus de leur efficacité, les équipes algériennes ne se déplacent jamais sans aide matérielle. Après le séisme de Boumerdès, notre direction, avec à sa tête le colonel El Habiri auquel nous rendons hommage, a décidé de révolutionner l'institution en formant les équipes aux mêmes compétences que celles qui se déplacent à l'étranger. Un master en gestion de catastrophe a même été créé à l'Ecole nationale de Médéa. On a ensuite acquis des équipements. Enfin, on a créé les DRPI et on les a vulgarisées à travers le pays. D'ici la fin de 2015, une équipe DRPI sera présente dans toutes les daïras avec des compétences et des moyens d'intervention équivalents. - Quel a été le moment le plus émouvant ? Partager la douleur d'un peuple qu'on ne connaissait pas est déjà une aventure pleine d'émotion. J'avoue qu'un petit garçon de 9 ans nous a particulièrement tous touchés. Il s'est approché de nous, il a reconnu notre drapeau, et très content, il nous a interpellé en anglais, la deuxième langue du pays : «C'est vous les Algériens ? Vous avez un grand cœur de brave,s car vous êtes venus de très loin pour nous sauver.» Ce que nous avons ressenti était indescriptible. Si c'était à refaire, toute l'équipe n'hésiterait pas une seconde !