Le roman historique connaît un engouement certain en Algérie. Il bénéficie du regain général d'intérêt pour l'Histoire. Essais, mémoires et biographies ne cessent d'enrichir le paysage éditorial national. Pour sa part, le roman historique permet de rendre plus «comestible» l'histoire et, parfois, de pallier le manque d'archives ou de témoignages. La fiction vient ainsi au secours de la quête historique et, en la matière, les auteures algériennes ne sont pas en reste. Signalons d'abord la biographie que consacre Houaria Kadra-Hadjadji à l'aguellid numide Massinissa. Dans Massinissa, le grand africain, l'universitaire a puisé à différentes sources à la fois antiques et actuelles pour reconstituer le parcours de ce personnage. Elle offre ainsi aux lecteurs une masse d'informations utiles pour comprendre l'époque et le contexte de l'accession au trône de ce grand roi amazigh. On y apprend que Massinissa est un nom d'origine libyque qui s'écrivait «MSNSN», soit sans voyelles. Né en - 238, fils de Gaia, roi des numides Massyles, et d'une mère qui aurait eu des dons divinatoires, il était doté d'une grande force physique qui lui permit de rejoindre les rangs de l'armée de Carthage. Il combattit les Romains dans sa jeunesse, mais dut s'allier avec eux quand il fut pris en étau entre Carthage et son rival, le roi Syphax. En marge de ces enjeux géostratégiques, se joue le sort de la reine Sophonisbe, fille du roi de Carthage, épouse de Syphax, promise auparavant à Massinissa. Cette reine connaîtra un sort tragique. Tout au long de sa vie Massinissa montra de l'intérêt pour la civilisation grecque. Il construisit des mausolées et frappa la monnaie à son effigie. Il vécut longtemps et put unifier la Numidie pour en faire un contrepoids à l'hégémonie de Rome. Toujours dans le sillage des rois et reines amazighs d'antan, on peut lire aussi le roman d'Amèle El Mahdi, Tin Hinan, ma reine. Cette souveraine du désert était aussi célèbre que la Kahina. L'auteure informe le lecteur de ses premières appréhensions : «Je craignais, en allant à la recherche de la mystérieuse et fascinante reine, de découvrir qu'elle n'avait jamais existé et qu'il ne s'agissait que d'un mythe inventé de toutes pièces». En l'absence de tout document attestant de son existence, l'auteure recourt à la tradition orale pour nous narrer l'épopée de cette femme exceptionnelle. L'auteure explique l'étymologie du nom Tin-Hinan. D'origine tamasheq, il se compose de trois éléments : Ti qui veut dire celle ; n' qui signifie l'appartenance et, enfin, Ihinan, soit migrer ou se déplacer en campement. Puis l'histoire se déroule comme un conte de fée avec deux femmes égarées dans le désert : une noble dame et sa servante, Takamat. Après avoir perdu l'une de leurs montures, elles furent terrassées par la soif et la faim. La mort rôdait autour d'elles comme un spectre sur les dunes. Mais des traces d'animaux les renseignèrent rapidement sur la proximité d'un point d'eau. Takamat put le découvrir et secourir sa maîtresse. Le lieu de ces péripéties, Abalessa, se situe à quatre-vingts km au nord de Tamanrasset. Avant d'atteindre le Hoggar, la légende précise que ces femmes étaient parties du sud-ouest marocain, plus précisément de Tafilalet. Abalessa devint leur lieu d'adoption et, malgré des conditions climatiques très rudes, elles fondèrent un royaume prospère. Tin-Hinan engendra la tribu des Kel-Réla, et sa servante Takamat fut l'aïeule de deux tribus vassales : le Deg-Kali et les Aït-Loaïen. Les fouilles archéologiques dans la région n'ont pas éclairci le mystère de Tin-Hinan, mais le roman d'Amèle El Mahdi est très agréable à lire. L'histoire de l'Algérie se poursuit à travers le roman de Leïla Hamoutène, Le châle de Zeineb, et son immersion directe dans la période coloniale et la terrible parenthèse de la pacification qui a mis à feu et à sang l'Algérie. Ce roman, dont les héroïnes sont des femmes, nous donne à vivre des événements tragiques qui ont marqué la conscience collective. Zeïneb, la narratrice, évoque l'année 1840 où elle assista à la destruction de son village et le rôle que lui fait jouer son père comme dépositaire de l'héritage familial. Elle raconte sa fuite avec sa famille devant l'armada coloniale décidée à tout exterminer. En écho à cette tragédie, sa petite fille Warda lui relate que pendant la guerre de Libération nationale, en 1959, elle fut torturée et humiliée par l'armée française. Le colonialisme dans son implacable logique voulait anéantir toute velléité de résistance chez le peuple algérien. La saga des femmes qui bravent l'horreur se perpétue bien au-delà de l'époque coloniale. C'est ainsi qu' en 2012, on retrouve Sara, une descendante de Zeïneb rappelant comment les femmes algériennes avaient résisté au terrorisme durant les années noires, surtout lors de ce fameux 8 mars 1994 où elles manifestèrent pour briser le silence. Ces trois ouvrages des éditions Casbah montrent que la résistance aux périls est une constante chez le peuple algérien et que les agressions ne sont jamais venues à bout de la détermination de cette terre africaine. Houari Khadra-Hadjadji, «Massinissa» ; Amèle El-Mahdi, «Tin-Hinan, ma reine» ; Leïla Hamoutène, «Le châle de Zeïneb», les trois ouvrages parus à Casbah éditions en 2014.