Dépaysement garanti pour les cinéphiles sur le Lido de Venise. Après Tariq Téguia qui a mené son film de main de maître et qui fut très applaudi à la Mostra, le programme a mis délibérément l'accent sur l'Asie. Des images léchées de New Delhi et Benarès dans le film de Benoit Jacquot l'Intouchable sont le prétexte d'une saga dans le pays de Gandhi d'une jeune comédienne (jouée par Isil Le Besco) qui, le jours de son anniversaire, sa mère lui apprend que son vrai père est un Indien, hindou et « Intouchable », de la caste inférieure. Jeanne est en pleine répétition théâtrale de la pièce de Bertolt Brecht : Sainte Jeanne des Abattoirs. Elle décide pourtant sur un coup de tête de quitter Paris pour New Delhi et Benarès à la recherche de son père. Mais Jeanne pour ce voyage a besoin d'argent. Elle accepte un rôle au cinéma qu'elle ne voulait pas faire. Un rôle qu'elle jugeait dégradant. Elle part en Inde. Au bout de mille péripéties, elle retrouve son père mais renonce à prendre contact avec lui et repart à Paris. Benoit Jacquot filme l'Inde luxuriante et pauvre. Son film est presque un document ethnographique quand dans les longues séquences tonnées à Benarès, il montre comment on brûle les corps sur les rives du Gange. Mis à part la présence d'Isil Le Besco, magnifique dans ce rôle où elle est en crise, à la recherche de son père, du pays de son père et surtout d'elle-même, le film de Benoit Jacquot déçoit un peu.On aime bien son regard très ouvert, très curieux sur l'Inde. Mais soudain, il interrompt son récit, et Jeanne prend sa valise et retourne en France. Jeanne avait commencé à aimer l'Inde, à rencontrer des Indiens, à être reçue dans une cérémonie de mariage, elle voit (de loin) son père, le suit dans les rues de Delhi. Elle s'arrête alors. Elle le laisse s'éloigner. Elle ne le reverra plus. Benoit Jacquot ne semblait pas soucieux d'aller jusqu'au bout de cette belle histoire. On constate, au contraire, que le cinéaste italien Gianni Amélio va jusqu'au bout de l'autre saga montrée le même jour à la Mostra : La Stella Che Non C'é (l'étoile absente) avec le plus remarquable acteur italien aujourd'hui : Sergio Castellito. Ce film témoigne surtout de l'imposant développement économique de la Chine actuelle. Il y a un dynamisme incroyable dans ce pays qui est en train de se transformer complètement : gratte-ciel, barrages, usines... Un autre bond historique en avant. Gianni Amélio fait le procès dans cette longue et passionnante histoire de la « délocalisation » des usines, qui sont démontées pièce par pièce en Europe (ici c'est l'Italie) et remontées ailleurs (en Chine, et ailleurs aussi). Ce sont les lois du marché capitaliste, des mécanismes économiques qui fonctionnent ainsi depuis longtemps : les usines polluantes quittent les pays riches pour être installées dans les pays pauvres, en voie de développement. Voici l'histoire de l'Etoile absente : Vicenzo Buanavolonta (un Don Quichotte moderne) quitte l'Italie pour Shangaï. Il est chargé de la maintenance dans une aciérie qui vient d'être vendue aux Chinois. Pour lui, il y a un risque d'explosion dans l'usine s'il n'arrive pas à revoir une des machines déjà expédiée en Chine. C'est là que sa longue saga commence. Accompagné d'une jeune interprète, dont il finira par tomber amoureux, il traverse la Chine de long en large, jusqu'en Mongolie, toujours avec une précieuse pièce mécanique destinée à l'usine italienne délocalisée. Mais il ne trouvera jamais le lieu de son implantation. Une saga fataliste, mais un petit chef-d'œuvre cinématographique italien.