R esté fermé durant 86 jours consécutifs, le terminal de Rafah, unique point de passage entre la bande de Ghaza et l'Egypte, a été rouvert hier et avant-hier par les autorités égyptiennes afin de permettre aux citoyens palestiniens, bloqués dans ce pays voisin, de rentrer chez eux. 570 citoyens ont ainsi réussi à traverser la frontière mardi. Des centaines d'autres personnes ont cependant été forcées de passer la nuit du côté égyptien du terminal à cause… d'«une panne d'ordinateurs». Fait unique dans l'histoire, le terminal de Rafah n'a été ouvert que dans un seul sens. Les gens ont le droit d'entrer à Ghaza mais pas d'en sortir, ce qui confirme le rôle de prison que l'on veut faire jouer à l'enclave palestinienne. Cette réouverture partielle n'a été possible, selon Maher Abou Sabha, directeur du terminal du côté palestinien, que grâce aux pressions exercées par les citoyens bloqués en Egypte sur l'ambassade de Palestine au Caire. En décodé, Abou Sabha qui a été désigné par le gouvernement du Hamas, avant la constitution du gouvernement de consensus national, n'a aucune autorité réelle sur le terrain. Non-assistance à personnes en danger Les Egyptiens refusent d'ailleurs de traiter avec les responsables actuels au niveau du point de passage palestinien. La cause officielle ? Ils disent avoir des différends avec le mouvement Hamas qu'ils accusent d'immixtions dans leurs affaires internes. Le Caire explique aussi la fermeture du terminal par la situation sécuritaire complexe qui prévaut dans le Sinaï. De son côté, le mouvement Hamas a toujours nié toute forme d'intervention directe dans les événements qui ont marqué l'Egypte depuis la révolte populaire contre l'ancien dictateur Hosni Moubarak en 2011. La bande de Ghaza et ses près de 2 millions d'habitants n'ont pourtant d'autre fenêtre sur le monde extérieur que ce point de passage frontalier avec l'Egypte. En cas de fermeture de cette issue, l'enclave palestinienne, soumise à un blocus israélien étouffant depuis près de huit longues années, devient de facto «la plus grande prison à ciel ouvert du monde». L'ouverture actuelle a été porteuse de beaucoup de déception pour tous ceux qui espéraient quitter Ghaza pour un motif ou un autre. Plus de 15 000 citoyens, parmi lesquels on recense 3000 malades (dont la moitié sont des cancéreux dont la vie est en danger) attendent désespérément l'ouverture de la frontière dans les deux sens pour pouvoir se faire soigner. En plus des malades, il y a aussi les étudiants inscrits dans des universités à l'étranger qui risquent de voir leur avenir scolaire compromis. Ce n'est pas tout. Beaucoup de Palestiniens porteurs de cartes de séjour dans les pays où ils vivent et travaillent sont restes bloqués à Ghaza et ont perdu leurs postes et le droit au retour dans ces pays. Des familles ont été séparées et n'arrivent pas à se réunir à cause de la politique aveugle égyptienne. Tout cela s'ajoute à la crise humanitaire qui frappe la bande de Ghaza du fait du blocus israélien et de trois guerres sanglantes et destructrices en six ans. Un blocus qui n'aurait pas été possible sans la complicité des autorités égyptiennes. D'ailleurs, des institutions financières internationales, dont le FMI et la Banque mondiale, ont publié dernièrement des rapports dans lesquels ils parlent d'une bande de Ghaza «pauvre, désespérée et proche de l'effondrement total». Dans son rapport sur l'économie palestinienne, le FMI s'est dit inquiet de la lenteur de la reconstruction de la bande de Ghaza où des milliers de maisons et d'installations économiques ont été rasées par des bombardements israéliens durant l'horrible été 2014. Le FMI a relevé aussi que l'économie palestinienne était tombée en récession en 2014, et ce, pour la première fois depuis 2006. La Banque mondiale avertit même que la bande de Ghaza est «menacée par une grave crise financière». Avec 40% de la population active, le taux de chômage dans l'enclave est l'un des plus forts au monde, estime la BM, qui désigne le blocus israélien auquel participe de fait l'Egypte comme responsable du désastre qui frappe l'économie de Ghaza, dont le PIB a chuté de 50%. Mais ces chiffres effrayants ne semblent pas préoccuper les autorités égyptiennes. Il n'y a pas d'autres mots pour qualifier une telle attitude : c'est une situation de trahison et de non-assistance à personnes en danger.