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«A la sortie de l'hôpital, le patient est livré à lui-même»
Dr Mahmoud Boudarène. Psychiatre
Publié dans El Watan le 28 - 05 - 2015

Mahmoud Boudarène, psychiatre, diagnostique les failles des structures hospitalières de la wilaya de Tizi Ouzou, qui sont propres à de nombreuses autres régions du pays. A l'en croire, rares sont dans notre pays les structures hospitalières qui proposent aux malades hospitalisés des activités thérapeutiques qui préparent à la réinsertion sociale.
En 2006, il y avait 23 psychiatres pour 300.000 malades dans la wilaya de Tizi Ouzou. Qu'en est t-il aujourd'hui ? Est-ce suffisant pour les besoins de soins en santé mentale?
Si l'on s'en tient à la prévalence mondiale des maladies mentales, au moins un quart de la population de la wilaya présenterait actuellement des troubles psychiques. Un rapide petit calcul nous donnerait 27%, soit 313.000 personnes. Je pense que ce chiffre - compte tenu des effets de la violence de ces dernières années, de la précarité sociale et de la consanguinité importante dans nos familles - serait en deçà. Et je n'ai pas tenu pas compte dans cette arithmétique des pathologies de l'enfant (7000 autistes environ) ou des personnes âgées (6500 maladies d'Alzheimer). Ces dernières, les pathologies des personnes âgées, iront croissantes au regard d'une espérance de vie qui s'améliore substantiellement.

Aujourd'hui, nous avons 48 psychiatres (tous secteurs confondus) dans la wilaya, pour une population de 1.165.170 habitants, soit 1/24.274 habitants. Nous sommes bien situés par rapport à la moyenne nationale (1/70.000) mais nous sommes loin de la norme mondiale qui est de 1 à 2/10.000 habitants. La Suisse étant à 4/10.000 habitants. Vous voyez nous avons encore du chemin à faire concernant la démographie des psychiatres.
Mais je vous fais remarquer que si le psychiatre est au centre de la décision thérapeutique, il est important de souligner, pour vos lecteurs, que le soin en psychiatrie dépend étroitement de nombreux autres intervenants: l'infirmier, l'éducateur spécialisé, l'assistante sociale, le psychologue, l'ergothérapeute, le psychomotricien, etc. Sans l'apport de ceux-ci, en équipe bien structurée et animée par le psychiatre, le soin qui sera apporté au malade est nécessairement incomplet, d'une certaine façon mutilé. Ces intervenants manquent cruellement quand ils ne sont pas totalement absents.


Hormis l'hôpital psychiatrique de Oued Aissi, la wilaya n'a bénéficié d'aucune nouvelle structure. Cet EHS est saturé. Un commentaire.
L'EHS Fernane Hanafi de Oued Aïssi est à vocation régionale. Il est sommé de répondre à la demande de quatre wilaya (Tizi Ouzou, Béjaia, Bouira, et Boumerdès) soit un bassin de population de 4 à 5 millions d'habitants. Il est donc évident que la pression que subit cette structure est insupportable. D'autant plus que les malades sont souvent hospitalisés pour de longues périodes, quelques fois plusieurs semaines ou mois, quand ceux-ci n'y élisent pas domicile parce qu'ils sont abandonnés par leur famille. Le « turn over » ne se fait plus et l'hospitalisation de nouveaux malades devient problématique.

Oui, l'EHS est saturé. Il peine à prendre en charge de nouveaux malades et a d'énormes difficultés à apporter des soins de qualité et adaptées aux besoins des pensionnaires de l'établissement, notamment ceux qui y séjournent durant une longue période. Pourquoi? Parce que si le malade hospitalisé reçoit les médicaments nécessaires pour réduire le délire, l'agitation ou encore pour résoudre le problème de l'urgence, il n'y a pas le dispositif indispensable pour lui offrir – quand il est inscrit dans la chronicité de la maladie – un projet thérapeutique à même de lui éviter une évolution vers l'handicap mental et le glissement vers la désinsertion sociale. Le sujet hospitalisé passe ses journées au lit ou à tourner en rond dans l'ennui et la monotonie, dans un système hospitalier en véritable carence de stimulation. Une situation qui vient aggraver un amoindrissement des fonctions cognitives (intellectuelles) et une diminution des compétences et des habiletés sociales dus à l'évolution de la maladie et aux traitements chimiques lourds qui sont prescrits.

Des aspects importants qui ne sont pas pris en charge par le projet thérapeutique que nous proposons aujourd'hui à nos malades; par manque d'initiative, sans doute, mais par manque de moyens et de personnels spécialisés, je le soulignais précédemment. Mais cela n'est pas propre à l'EHS de Oued Aïssi. Rares sont, dans notre pays, les structures hospitalières qui proposent aux malades hospitalisés des activités thérapeutiques qui préparent à la réinsertion sociale. Un volet fondamental dans la prise en charge du patient qui n'existe pas. A la sortie de l'hôpital, celui-ci, le patient, est livré à lui-même. Rien n'est prévu pour prendre le relais, pour accompagner le sujet dans sa réadaptation sociale. Ce dernier revient à l'EHS en consultation pour un renouvellement d'ordonnance ou en cas de rechute pour y être à nouveau hospitalisé.


Le nombre de lits a diminué malgré l'augmentation de la demande. Que préconisez- vous pour remédier à cette situation qui pénalise les malades ?
Il faut que l'étau se desserre sur l'EHS Fernane Hanafi. Pour cela, il faut d'abord que le service de psychiatrie du CHU, 40 lits environ, fermé pour des raisons incompréhensibles, soit réouvert. Ces lits existent dans l'organigramme du ministère de la santé, la volonté doit donc s'exprimer localement pour les remettre à la disposition des malades. Il faut ensuite ouvrir des structures de jour - un hôpital de jour - à l'EHS mais aussi au CHU - pour pouvoir prendre en charge rapidement les situations de crises (d'urgences) qui ne nécessitent pas forcément une hospitalisation de longue durée. Réduire un état d'agitation, mettre en route une thérapeutique et également rassurer les familles en leur apportant les informations utiles pour rendre plus efficace le soutien et l'accompagnement qu'ils peuvent apporter à leurs malades.

Est-il utile de souligner que les familles constituent de moins en moins un support social sur lequel peuvent s'appuyer malade et médecin? Pour des raisons liées aux mutations sociales et aux conditions socio-économiques, celles-ci (les familles) manifestent moins de tolérance et moins de disponibilité à soutenir le parent malade, en particulier quand le médecin ne les a pas éclairées par des informations utiles. Un des rôles importants des structures de jour est justement l'accueil des parents, la prise en charge de leurs préoccupations et leur intégration dans le projet de soins du patient. La majorité des malades qui se présentent aux urgences peuvent bénéficier de l'apport de ce type de structures, à moindre coût.

Enfin, les EPH (établissement public hospitalier) et EPSP (établissement publique de santé de proximité), auxquels des psychiatres sont affectés, peuvent et doivent être en mesure d'accueillir les sujets présentant des troubles psychiques, pour d'une part apprécier l'urgence et d'autre part pour prendre en charge la mise sous traitement et le suivi du malade. Les EPH doivent, en plus de la consultation et du suivi habituel des patients, pouvoir hospitaliser un malade quand cela est nécessaire. C'est pourquoi, ils doivent réserver, sur autorisation de la tutelle, quelques lits (3 ou 4) pour la psychiatrie. La tendance mondiale est à la création de petites unités de proximité dédiées aux soins en santé mentale et l'OMS déconseille, aujourd'hui, la construction de grosses structures comme celle de Fernane Hanafi.


Les malades se plaignent souvent de la pénurie des médicaments? Est-ce que le générique ne pose pas de problème ?
Oui, il est vrai qu'il y a eu des périodes de manque de médicaments. Une situation qui ne concernait pas seulement les produits utilisés en pathologie mentale et qui a été dénoncée. Aujourd'hui, ce problème n'existe plus et j'espère que cela va durer. Les génériques, à l'instar des autres spécialités médicales, ne constituent pas un handicap pour les soins en santé mentale. Ils ont l'avantage d'être moins chers, et si on peut faire faire des économies aux malades et à notre système de santé, c'est tant mieux; je crois que cela doit être inscrit dans l'objectif de chacun des médecins prescripteurs. Toutefois, les génériques restent onéreux, en particulier les neuroleptiques de seconde génération, une vérité qu'il faut relever.

Chacun sait que les malades mentaux sont pauvres et socialement handicapés. Si l'Etat donne la possibilité à certains d'entre eux de bénéficier de la gratuité des soins, nombreux sont ceux qui n'ont pas ce privilège. De plus, l'accès à la gratuité des soins ne concerne que certains produits, les molécules les moins coûteuses. De ce fait, le malade n'accède pas à toutes les possibilités de soins. Il faudrait que les autorités de la wilaya, les services sociaux concernés par ce dispositif, corrige cette anomalie. J'en profite d'ailleurs pour souligner que la procédure d'obtention de la carte de gratuité des soins est longue et compliquée. Il faudrait quels démarches soient allégées et que les délais d'obtention de cette carte soient réduits.


Quelque chose à ajouter sur l'état des lieux de la santé mentale à Tizi Ouzou ?
La wilaya de Tizi Ouzou a des potentialités indéniables, quand bien même il lui est demandé - en matière de prestations de soins en général et en santé mentale en particulier - de répondre à une demande qui vient aussi des wilayas limitrophes. Parce qu'elles ne sont pas mises en réseau, les ressources dont nous disposons ne sont pas suffisamment exploitées. L'EHS Fernane Hanafi peut jouer un rôle central dans l'animation de ce réseau en créant notamment des passerelles solides avec les EPSP et les EPH par l'intermédiaire des centres intermédiaires de santé mentale (CISM) qu'ils hébergent et qui sont totalement marginalisés. Un réseau qui permettra non seulement d'assurer la continuité dans les soins mais également d'offrir des perspectives d'accompagnement thérapeutique des malades et de leurs familles, et d'aide à la réinsertion sociale des sujets les plus durement affectés par la maladie. L'ouverture d'un hôpital de jour à l'EHS et pourquoi pas également au sein des EPSP/EPH me parait être une nécessité pour les raisons que j'ai déjà évoquées.

Le CHU a un rôle important à jouer. Il est un maillon indispensable dans la mise en place du réseau et dans la prise en charge de catégories particulières de malades, notamment ceux qui nécessitent des soins en médecine somatique ou encore des explorations spécifiques. La formation, la recherche universitaire et la psychiatrie de liaison sont les attributions essentielles d'un service de psychiatrie de CHU. Une structure de jour peut venir en appoint pour soulager le service d'hospitalisation. Encore faut-il que ce dernier soit réouvert.

Enfin, la psychiatrie libérale et le mouvement associatif constituent un apport considérable dans le processus. L'une et l'autre sont ignorés. Les psychiatres privés auxquels de nombreux malades s'adressent travaillent chacun en solo. Un dommage car des expériences et des compétences spécifiques sont à faire valoir. Quand au mouvement associatif, je pense particulièrement, à l'association des parents et amis des malades mentaux de Tizi Ouzou, il ne bénéficie d'aucune considération alors que son rôle est déterminant dans le processus de post-cure.
Bien sûr, pour que tout cela puisse se mettre en place, il faut un chef d'orchestre motivé et déterminé à s'engager dans cette dynamique somme toute facile à mettre en place. La direction de santé de wilaya est toute indiquée pour jouer ce rôle. Encore faut-il que la volonté politique y soit et qu'elle se manifeste résolument.


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