Nombre de commerçants et de consommateurs sont confrontés à une situation paradoxale. Les premiers ne veulent pas céder le moindre dinar à leur clientèle car, assurent-ils : « C'est le montant de notre bénéfice. » Les seconds, constamment à la recherche de la moindre réduction, ne veulent pas se défaire du remboursement de leur petite monnaie. « Nous allons très loin pour nous approvisionner à moindre coût. Les dinars économisés par-ci, par-là, nous permettent d'autres petits achats », argumentent des consommateurs pour justifier leur refus d'abandonner, faute de pièces, leur monnaie. Le problème se pose avec acuité dans les officines pharmaceutiques où l'indisponibilité de la petite monnaie est ressentie comme un véritable calvaire. « Faute de pièces de monnaie, je suis obligé de refuser des clients. Vous devez savoir que les prix des médicaments au centime près sont portés sur la vignette. Nous sommes donc dans l'obligation de rendre la monnaie. Pour ce faire, j'ai mis en place un petit réseau de collecte de petite monnaie auprès des mendiants et des animateurs du marché informel. Dans les banques, on nous répond que les pièces de dinars sont indisponibles », commente Youssef T. pharmacien à Annaba. Le problème de la circulation de la monnaie ne s'arrête pas à ce niveau. Depuis des mois, comme s'ils répondaient à un mot d'ordre, des organismes de la République dont la Cnas, Opgi, Cnac refusent les billets de banque quelque peu détériorés et scotchés. Ce refus s'est répercuté sur la place publique chez les commerçants. « Le caissier de la CNAS Annaba, a refusé des billets de 100 et 200 DA remis pour le paiement de mes cotisations sociales. Ce refus est inexplicable, car il émane d'un organisme de l'Etat censé garantir tout ce qui émane de ce dernier », s'est interrogé un opérateur économique à Annaba. La direction de la CNAS Annaba a bien tenté de réagir à cette situation qui lui est préjudiciable. Dans sa correspondance adressée au trésorier de la wilaya, elle a indiqué : « Notre caissier m'a signalé que vos services refusent les billets scotchés ou abîmés. Les organismes financiers, telles les banques et les PT, détiennent et fonctionnent avec des billets semblables aux nôtres, c'est-à-dire détériorés. Je vous demande donc d'instruire vos services à l'effet d'accepter nos versements au crédit de notre compte domicilié chez votre institution. » Apparemment sans suite puisque la situation n'a pas changé. Du côté de la trésorerie, l'on justifie le rejet des billets détériorés scotchés par le refus de la Banque d'Algérie de les encaisser. C'est ce qu'a affirmé le directeur de la trésorerie de Annaba : « Il va de soi que la Banque d'Algérie refusant d'encaisser les billets scotchés, notre caissier est contraint à son retour de ne pas les accepter. A défaut, c'est lui qui en subira les conséquences. Il arrive parfois que les 2 morceaux scotchés sont de 2 billets différents. » A la Banque d'Algérie direction de Annaba, on préfère ne rien dire sur ce problème préjudiciable à l'économie. Sur la question, le responsable de cette institution cite la cellule de communication à Alger seule habilitée à y donner suite. Une commande portant sur la confection de l'équivalent de 550 millions de dinars en pièces de monnaie, passée par la BA est en souffrance depuis des mois. En attendant, faute de pièces et de coupures de billets, la consommation nationale devra baisser avec tout ce que cela sous-entend comme impact sur la production.