Hier à partir de 16h, et après avoir auditionné durant la journée les témoins et déposants de fonds publics à la banque de Abdelmoumen, Antar Menouar, le juge chargé du procès Khalifa Bank, a commencé à lire les procès-verbaux des témoins absents, en se basant sur leurs déclarations au juge d'instruction. Lors de sa lecture, Antar Menouar cite une information qui semble intéressante. Il lit le PV d'un représentant de l'Office national de commercialisation des produits viticoles (ONCV) et cite une affaire à laquelle Gérard Depardieu, célèbre acteur français et ex-proche de Abdelmoumen est lié. Il s'agit de contrats stipulant l'exploitation de 100 hectares de terrains à Mascara entre l'ONCV, le groupe Khalifa, Gérard Depardieu et la société de vins William Pitters, située à Bordeaux. Le coût du contrat initial était estimé à 67 millions de dinars algériens. Déjà, la justice française s'était penchée sur cette affaire, et ce, afin de savoir dans quelles conditions financières ce partenariat a été établi. Mais, dommage, le témoin de cette affaire était absent et l'opinion publique algérienne a été privée d'une information intéressante. Une chose est sûre, ce partenariat a été vite avorté après la faillite de Khalifa Bank en 2003. Taux d'intérêt Au courant de la journée d'hier, Antar Menouar a auditionné plusieurs témoins, dont la plupart d'entre eux étaient des PDG ou DG d'entreprises ou organismes publics. Une fois à la barre, leurs témoignages étaient presque les mêmes. Ils ont déposé l'argent à Khalifa Bank parce que cette dernière offrait des taux d'intérêts très alléchants par rapport aux autres banques, notamment publiques. Le premier à être questionné par Antar Menouar était le directeur de l'OPGI de Béchar. «J'ai déposé 39 milliards de DA, parce que Khalifa Bank nous accordait plus de 10% d'intérêts au moment où les taux pratiqués par les banques publiques étaient faibles», reconnaît-il. Le PDG de l'ENAB (entreprise nationale d'approvisionnement en bois) lui succède et atteste, lui aussi, qu'il a eu recours à Khalifa Bank en déposant 100 millions de DA parce que cet établissement financier était le plus attractif du marché bancaire. Ce témoin a pu toutefois, lorsqu'il était PDG, récupérer l'argent déposé avec ses intérêts. «C'est quand même un exploit pour vous ! Vous êtes parmi les rares entreprises qui sont sorties gagnantes avec Khalifa», lui lance le juge. Boumediene Maâmar, ex-DG de l'OPGI de Dar El Beida (Alger) avoue que ses services ont déposé 116 milliards de centimes à Khalifa Bank. Pour lui, la BNA et le CPA leur accordaient un taux variant entre 6,5 et 7%, alors que les taux à Khalifa Bank pouvaient atteindre, selon lui, les 12%. Même témoignage de Kettab Aïssa, ex-PDG d'une société publique. «La BEA nous accordait jusqu'à 21%. En 2000, les taux dans les banques publiques ont drastiquement diminué, au moment où la banque de Abdelmoumen nous charmait avec ses nombreux avantages», témoigne-t-il. 470 milliards disparus 470 milliards de dinars, soit 70% du capital de la BDL auraient été déposés à Khalifa Bank au moment où celle-ci était en faillite, à en croire un responsable au sein de cette banque chargée du commerce extérieur. «La BDL a voulu recapitaliser Khalifa Bank, en vain», déclare Djemaâ Nabil, aujourd'hui expert bancaire. Et de s'interroger sur la destinée de cette importante somme. «A ce jour, on ne sait pas encore où sont passés les 470 milliards de dinars. Ont-ils été récupérés par la BDL ? Il n'y a aucune déclaration officielle pour le moment», regrette-t-il. Questionné à ce sujet, M. Badsi, le liquidateur de Khalifa Bank, préfère parler d'un dépôt d'un excédent financier de la BDL chez Khalifa Bank. Pour lui, cela se fait dans les marchés monétaires et entre banques. «Il ne s'agit pas d'un dépôt à terme», insiste-t-il. Mais la question qui se pose est la suivante : où sont les 470 milliards de dinars, et pourquoi ont-ils été déposés à un moment où la banque de Abdelmoumen était dans une situation très critique ?