La plus grande partie des manuscrits de Mohammed Dib est actuellement conservée au département des manuscrits de la Bibliothèque nationale de France (BNF). Notes, corrections, brouillons et versions successives des œuvres avant publication révèlent «un acharné de l'écriture et un grand stylisticien», souligne Isabelle Mette, conservatrice à la BNF, qui classe et numérise les manuscrits du fonds Dib depuis trois ans. En effet, certains passages sont modifiés jusqu'à quarante fois et des œuvres sont corrigées par Dib même dans les épreuves remises par l'éditeur et jusqu'après leur publication. La précision des corrections et annotations et la lisibilité des manuscrits laissent deviner un auteur méticuleux et rigoureux. La conservatrice illustre l'intérêt de l'étude des manuscrits en exposant les versions successives inédites d'une œuvre. On découvre un carnet de notes sur une pièce intitulée Soleil des chiens qui sera publiée et jouée sous le titre de Mille hourras pour une gueuse. Dans cette première version inédite, le titre, les personnages et l'organisation du texte sont différents. Un autre fragment intitulé Wassem viendra également enrichir la pièce publiée en 1980. On découvre ailleurs une nouvelle intitulée La partie qui sera intégrée au roman La danse du roi, ou encore des corrections sur des poèmes qui constitueront le recueil Feu beau feu…Autant d'éléments d'une valeur inestimable pour une meilleure connaissance des textes. L'étude de ces manuscrits permet de remonter à la genèse de l'œuvre selon une approche justement nommée «critique génétique». La présence d'Isabelle Mette aux rencontres dibiennes fut justement l'occasion d'envisager des collaborations avec des universitaires algériens spécialistes de Dib. Ce travail devrait déboucher à la publication d'œuvres inédites ou à des versions annotées à même d'apporter un nouvel éclairage. Matériellement, le fonds Dib se présente sous la forme de 48 boîtes contenant des cahiers, des carnets, des feuilles dactylographiées, mais aussi des supports plus insolites : enveloppes, papier-biscotte, etc. Un travail de numérisation est engagé pour assurer la conservation, et l'accessibilité, de ces documents fragiles. Ce précieux fonds a été confié à la BNF par la femme de Dib en 2012, suivant la volonté exprimée par l'auteur de son vivant. Il concerne particulièrement les œuvres écrites après 1959. «Pour le moment, la plus grande partie de la trilogie algérienne n'est pas dans le fonds. Nous n'avons pas non plus de correspondance», précise la conservatrice. Le département des manuscrits de la BNF est un des plus riches au monde. Il comprend des documents allant des parchemins médiévaux aux fichiers informatiques d'auteurs contemporains. Une grande partie est numérisée et consultable, pour les œuvres libres de droits, sur Internet (Gallica.bnf.fr). En plus des auteurs français (Hugo, Proust, Zola…), des auteurs étrangers y figurent également (Asturias, Tourgueniev, Heine…). Des efforts sont fournis pour intégrer les auteurs francophones. Les manuscrits de l'écrivain sénégalais Léopold Sédar Senghor, ou du Franco-sénégalais Albert Memmi ont ainsi enrichi le catalogue de la BNF.