Cette chute n'a pas été accompagnée de combats car le régiment 166 des forces «Bouclier du centre de Libye», en charge de la protection de la base et de l'aéroport, s'est replié sur Misrata, à 220 km plus à l'ouest. Son commandant avait invoqué le retard du soutien qu'il a demandé pour défendre ses positions. «Cela fait des semaines que je demande le renforcement de l'effectif du régiment 166, qui ne peut pas résister à la charge des forces de l'EI, si jamais elles décident d'attaquer», a-t-il notamment déclaré, selon le site électronique Bawabet Al Wassat. «Je ne saurais affronter des forces supérieures en nombre et en munitions», a-t-il précisé pour justifier son repli. Suite à quoi, des accusations de trahison ont fusé de toutes parts. Colère anti-EI Le chef du gouvernement désigné par le Parlement de Tobrouk, Abdallah Al Theni, s'est demandé, lors d'un point de presse tenu samedi dernier, comment «les forces du Bouclier du centre s'étaient permis, il y a quelques mois, de s'attaquer aux ports pétroliers à 200 km à l'est de Syrte, alors qu'elles ne sont pas parvenues aujourd'hui, à défendre leur ville». Pour A. Al Theni, Fadjr Libya a «remis la ville de Syrte aux combattants de l'EI». «Ces critiques se justifient par le fait que l'avenir politique de Abdallah El Theni est incertain, si jamais le gouvernement d'union nationale est mis en place dans les deux semaines à venir, comme le souhaite l'émissaire de l'ONU, Bernardino De Leon», explique l'analyste politique et ex-membre du Conseil national de transition, Mansour Younes. Suite à la chute de Syrte, plusieurs rumeurs fantaisistes ont circulé sur les réseaux sociaux concernant l'existence d'un escadron d'avions de combat sur la base aérienne. Meftah Jrouchi, un ex-militaire originaire de la région et ayant travaillé à la base de Gardhabya, a toutefois affirmé qu'aucun avion militaire opérationnel ne se trouvait sur la base lors de sa soumission. «Il y a quelques avions de combat datant de l'époque El Gueddafi, qui ne sont pas réparables selon les experts », a-t-il affirmé. En fait, la chute de Syrte était attendue. L'Etat islamique n'a cessé de faire des démonstrations de force dans la ville, où il dispose d'un régiment de plus d'un millier d'hommes et d'au moins 150 pick-up sur la base de Nouflya, à 30 km à l'est de la ville. Mais c'est l'opération-suicide au check-point de Dafnya qui a provoqué un tollé général. C'est la première fois que les forces de l'EI se rapprochent autant de Misrata. D'où la consternation et le large mouvement de condamnation émanant des forces vives de cette ville-symbole. Ainsi, la mairie de Misrata a déclaré, dans un communiqué publié suite à l'attaque de Dafnya, que le Congrès et le gouvernement de Tripoli n'ont pas été à la hauteur de leur mission d'assistance des citoyens dans leur lutte contre le terrorisme. La mairie demande aux autorités de Tripoli une position claire et sans la moindre ambiguïté contre le terrorisme. Pour sa part, Fathi Bach Agha, député de Misrata, présent aux pourparlers de réconciliation libyenne au Maroc parrainés par l'ONU, est tombé à bras raccourcis sur les milices de l'EI et ceux qui les défendent. «Que personne ne vienne me dire après l'attaque de Dafnya que les milices de l'Etat islamique combattent pour protéger la révolution», a-t-il notamment dit. Le défi de la réconciliation En parallèle, un large mouvement en faveur du consensus national est en train de se dessiner, excluant l'Etat islamique. Ainsi, Fadjr Libya a libéré 66 détenus de Ouerchefana, dans le cadre d'une réconciliation entre Ezzaouia et Ouerchefana, les deux villes ennemies dans la proximité ouest de Tripoli. Dans le même registre, un accord de réconciliation a été paraphé la semaine dernière à Tunis entre Misrata et Taouergha, cette ville-fantôme délaissée par ses 40 000 habitants depuis la chute d'El Gueddafi. La présidence du gouvernement a examiné, elle aussi, samedi dernier, la question du retour des habitants de Taouergha chez eux. Par ailleurs, les chefs de tribu réunis récemment au Caire, ainsi que les municipalités réunies à Tunis, ont exprimé, chacun de son côté, un ferme soutien à la constitution d'un gouvernement d'union nationale. La réunion de Tunis s'est déroulée sous l'égide de Bernardino De Leon ; sa deuxième journée a même vu la présence des ambassadeurs de l'Union européenne en Libye, accrédités provisoirement à Tunis, qui ont discuté avec les élus locaux. Bernardino De Leon presse le pas pour parvenir à un accord politique sur un gouvernement d'union nationale, excluant l'Etat islamique, avant le mois de Ramadhan et l'été. Y arrivera-t-il ?