A la table des négociations, Grèce et troïka n'ont pas trouvé d'accord sur les réformes qu'Athènes doit adopter en contrepartie des 7 milliards d'euros du plan d'aide. Athènes maintient ses «lignes rouges». La Grèce et les représentants de ses créanciers de la troïka — UE, BCE (Banque centrale européenne) et le FMI —, ne sont pas parvenus à trouver un accord à Bruxelles au terme de la longue réunion de négociations qui a commencé dans la soirée du 3 juin, à 21h, pour ne s'achever que tardivement dans la nuit. Jean-Claude Juncker, le président de la Commission européenne, qui a présenté la proposition d'accord pour la zone euro, la BCE et le Fonds monétaire international (FMI) a déclaré : «J'ai dormi seulement trois heures après avoir eu une discussion, une négociation longue et sportive avec le Premier ministre grec (Alexis Tsípras, ndlr).» S'éclipsant, il estime qu'il faut «préparer le prochain round de négociations». «Les discussions vont reprendre dans quelques jours», a précisé M. Dijsselbloem, le président de l'Eurogroupe qui a jugé la réunion «très bonne». Si certains observateurs n'excluaient pas que les interlocuteurs puissent parvenir à un accord dès mercredi, la Commission européenne avait affiché son scepticisme. Cette rencontre avait pour but de discuter des réformes que la Commission européenne, la BCE et le FMI souhaitent imposer à la Grèce en échange du versement de 7,2 milliards d'euros au titre du deuxième plan d'aide établi en 2012. L'enjeu pour Athènes est d'obtenir le versement de cette somme avant le 30 juin, date butoir au-delà de laquelle l'argent ne pourra plus lui être alloué. La réunion a pris la forme d'un dîner en petit comité dans le but de resserrer les liens entre les participants. Malgré ces prédispositions, Alexis Tsípras a décliné de nombreuses propositions. Le Premier ministre grec conteste le cadre et les curseurs de négociation posés par ses interlocuteurs ; il juge qu'«il y a des points que personne ne peut considérer comme une base de discussion». Malgré ses concessions, le gouvernement hellénique tente ainsi de créer un espace pour mettre en œuvre le programme sur la base duquel il a été élu et qui vise à lutter contre la «crise humanitaire» causée par les politiques d'austérité. Les points de blocage qui persistent sont nombreux. Athènes montre de la réticence quant à la modification de la législation sur les licenciements collectifs, et un attachement aux conventions collectives. En revanche, le gouvernement grec a fait de nombreuses concessions en matière de privatisations, mais refuse de privatiser les entreprises ADIME et Mikri DEY, spécialisées dans le secteur de l'énergie. Des blocages sont également apparus sur la question de la TVA et celles de la restructuration de la dette publique grecque, ou encore des coupes dans les pensions de retraite les moins élevées. Echéances Le chef de la coalition escomptait pourtant un versement rapide de l'aide promise, impérative pour la Grèce. D'autant que les échéances accablantes auxquelles la Grèce est soumise arrivent à grands pas. Le FMI attend la restitution de 300 millions d'euros à compter d'aujourd'hui (5 juin). Son ministre de l'Intérieur, Nikos Voutsis, insinuait à la fin du mois de mai que le paiement ne «se ferait pas», mais Alexis Tsípras s'est engagé à honorer cette échéance. Cette probabilité est mise en doute par les experts de Commerzbank (2e groupe bancaire allemand), pour qui «sans argent frais venant des bailleurs de fonds le gouvernement grec a peu de chances d'honorer ses remboursements». Si d'aventure la Grèce devait accuser un retard de paiement, le FMI pourrait suspendre le prêt de 16,5 milliards d'euros prévu jusqu'en 2016. Cette mesure punitive obérerait davantage les finances de la Grèce. Puis, il s'agira de restituer 1,6 milliard sur la totalité du mois de juin en quatre versements. Pour sa part, Christine Lagarde, la directrice générale du FMI, soutient que les créanciers de la Grèce ont fait preuve d'une «flexibilité considérable». Elle se dit confiante au sujet d'un remboursement prochain de la Grèce au FMI, pour qui le dossier hellénique revêt une valeur d'exemplarité. Les plans de sauvetage ciblant l'économie grecque ont été vivement décriés au sein de l'institution. Des remboursements irréguliers raviveraient les controverses en son sein. Si les experts de Commerzbank estiment que «le Grexit (exit la Grèce, de la zone euro, ndlr) a peu de chances d'arriver à moyen terme», le manquement à l'obligation du remboursement du FMI «serait, à n'en pas douter, un pas dans cette direction». Face à la stratégie du «nœud coulant» adoptée par la troïka depuis l'arrivée de Syriza (coalition de la gauche radicale) au pouvoir en janvier dernier, la posture de Tsípras consiste à faire poindre les lourdes conséquences d'une sortie de la Grèce de la zone euro ou d'un défaut de payement dans le but de limiter les propensions à l'asphyxie par la troïka. Une source gouvernementale a annoncé la tenue d'une «discussion extraordinaire» ce vendredi (à 15h GMT) devant le Parlement grec. Cette discussion, qui portera sur le déroulement des négociations avec l'Union européenne et le FMI, aura lieu à l'initiative d'Alexis Tsípras. La session ne sera pas suivie d'un vote. Les prochains jours diront si le nœud coulant se resserre ou se délie.