Les tenants du pouvoir dévoilent leur stratégie en vue de reprendre les commandes de la vie politique nationale et assurer leur avenir à la tête de l'Etat. Cette stratégie passe, visiblement, par le renforcement de l'appareil politique du pouvoir, le FLN, et son alter ego, le RND. Une succession d'événements et d'actions, enregistrés ces dernières semaines, confirme la mise en branle de tous les services et institutions de l'Etat pour réaliser l'objectif suprême du clan présidentiel : le parachèvement du plan de la succession. Un précédent grave qui défie la logique et la morale politique. Il y a moins de dix jours, la présidence de la République et le chef de l'Etat, en instrumentalisant les médias officiels, se sont impliqués directement dans la crise interne au FLN. Pour la première fois depuis l'avènement du pluralisme politique, le Président intervient dans la vie organique à ce parti en apportant le soutien de l'Etat au plus contesté secrétaire général de l'ex-parti unique, Amar Saadani. Et comme ce geste ne suffisait pas pour monter clairement les objectifs des tenants du pouvoir, le clan présidentiel implique directement l'armée dans la joute politique. Un signal fort pour que même le citoyen lambda puisse comprendre le but visé. En effet, le chef d'état-major de l'ANP et vice-ministre de la Défense, Ahmed Gaïd Salah, affiche lui aussi son soutien à «son frère Amar Saadani» qui dirige «la première force politique du pays». Etant un homme-clé du pouvoir actuel et un des artisans du quatrième mandat de Bouteflika, Gaïd Salah n'en est pas à sa première intrusion sur la scène politique. Au lendemain de la présidentielle d'avril 2014, il a publié un édito dans la revue de l'armée, El Djeich, dans lequel il met en garde, sur un ton menaçant, «toute remise en cause des résultats de ce scrutin». Cette fois, Gaïd Salah laisse tomber le masque et implique sciemment l'institution militaire dans le jeu de clans. C'est un nouvel épisode du scénario, concocté bien avant la validation du quatrième mandat pour accaparer définitivement le pouvoir, qui vient ainsi de se jouer. Coup de force Le clan au pouvoir abat ses cartes et dévoile son plan pour désigner, parmi ses membres, un successeur à Abdelaziz Bouteflika. Il est, semble-t-il, pressé d'agir pour limiter les dégâts de sa déroute confirmée dont les signes sont déjà visibles : bourdes monumentales dans les communiqués de la Présidence qui sont rattrapées maladroitement, manque de solidarité au sein du gouvernement, incapacité de l'Exécutif à imaginer des solutions à la crise économique et financière qui se profile à l'horizon… Autant de signes de faiblesse qui caractérisent les régimes en fin de règne. C'est face à cette situation que le clan présidentiel décide de laisser tomber les formes en révélant ses intentions, en imposant l'intronisation d'un nouveau gardien du temple. Celui-ci sera soit le frère cadet du président, Saïd Bouteflika, soit un des membres du clan, qui pourrait être l'actuel Premier ministre, Abdelmalek Sellal. Ce dernier s'est même rappelé, 47 ans après, qu'il était militant du FLN en 1968. Des ministres n'ayant aucun passé militant au sein du FLN ont été recrutés massivement dans le comité central (CC) du vieux parti. Ce réaménagement, qui s'ajoute à celui qui s'effectue actuellement au RND avec le retour annoncé d'Ahmed Ouyahia à sa tête, répond inévitablement à une volonté des tenants du pouvoir de resserrer les rangs en prévision de la prochaine étape. Ils sentent le besoin d'avoir des partis forts qui soutiendront leurs projets, notamment celui de la révision de la Constitution mis en veille faute de consensus. Ils pourront compter sur ces deux partis pour perpétrer le coup de force qui commencera par la révision de la Constitution et s'achèvera par l'intronisation du successeur de Abdelaziz Bouteflika, dont la maladie et le handicap physique ne lui permettent plus de suivre le rythme des événements. Les dernières séquences de ce scénario seront tournées cet été avec, peut-être, des annonces importantes à l'occasion du 5 juillet…