Le président François Hollande effectuera une visite de travail lundi à Alger à l'invitation du président Bouteflika, avons-nous appris de source autorisée. Au programme de cette visite de quelques heures deux entretiens, le premier à 15h30 avec le Premier ministre Abdelmalek Sellal, le second avec le président Bouteflika à 17 heures à la résidence d'Etat de Zéralda. C'est le second déplacement du président Hollande en Algérie en tant que chef d'Etat, après sa visite d'Etat en 2012. Une visite du chef de l'Etat français – qualifiée de source autorisée de visite de travail - qui, depuis qu'elle est connue, suscite moult interrogations, commentaires et hypothèses. Qu'est-ce qui motive le déplacement pour quelques heures du président Hollande à Alger ? Est-ce pour confirmer et appuyer une coopération économique que Paris et Alger s'accordent à qualifier d' « excellente », voire d' « exemplaire » à tous les niveaux ? Pour convaincre les autorités algériennes de s'impliquer davantage dans le règlement des conflits régionaux, la Libye en particulier ? Pour amplifier la coopération bilatérale en matière d'énergie, dont l'exploitation du gaz de schiste ? Lors de sa dernière visite à Alger, le 12 mai dernier, Laurent Fabius n'avait-il pas annoncé que «dans la région sud, nous travaillons sur beaucoup de projets et ces projets nous veillons à ce qu'ils puissent se concrétiser sur l'ensemble du territoire algérien.» Ou encore pour conforter le schéma de transition politique qui s'esquisse à Alger ? La « refondation de la relation économique stratégique entre la France et l'Algérie », se porte on ne peut mieux, à en croire les déclarations d'officiels des deux pays. Lors de la tenue du premier forum économique algéro-français à Paris le 11 juin à l'initiative de la Chambre algérienne de commerce et d'industrie-France (CACI-France), son président a rappelé que les échanges commerciaux entre l'Algérie et la France ont été multipliés par trois en 12 ans. Dans un discours prononcé le 1er juin, à l'occasion des «Rencontres Algérie 2015», organisées à Paris, Bernard Emié, l'ambassadeur de France à Alger, a soutenu que « nos économies sont interdépendantes et la France a besoin de l'Algérie, comme elle peut apporter à l'Algérie. C'est pourquoi nous devons continuer à rechercher ensemble des synergies et des projets, afin de développer des partenariats mutuellement bénéfiques ». M. Bernard Emié considère que l'Algérie est «un terrain très favorable pour les entreprises françaises». Il cite à l'appui : des «relations politiques (qui) n'ont jamais été aussi bonnes», une «proximité historique et humaine». Si la visite de François Hollande lundi devrait permettre de mesurer les étapes parcourues depuis que cette refondation a été instituée par la déclaration d'Alger de décembre 2012, elle viserait particulièrement l'approfondissement du partenariat bilatéral politique. Paris semble attendre d'Alger une implication plus forte dans le règlement des conflits régionaux, notamment en Libye ainsi qu'en matière de lutte anti-terroriste, sujets qui seraient au centre de cette visite . Il reste que cette visite n'est pas sans susciter des lectures politiques, comme celle du président du Front national algérien (FNA), Moussa Touati, qui, à la faveur d'une récente conférence de presse, a soutenu que la visite de François Hollande à Alger s'inscrit dans le cadre d'un agenda bien déterminé : «Valider les contours de la prochaine Constitution algérienne et également donner son aval pour le successeur de Bouteflika». Ce dont se défend Paris qui rejette toute ingérence ou interférence dans la politique intérieure d'un pays tiers. Quant à la question combien sensible de la reconnaissance solennelle par l'Etat français des crimes coloniaux, si le président Hollande a fait quelques gestes dans cette direction depuis le début de son quinquennat, des associations françaises l'ont récemment interpellé à ce sujet. Dans une lettre ouverte, l'Association des anciens appelés en Algérie et leurs amis contre la guerre (4ACG), l'Association nationale des pieds-noirs progressistes et leurs amis (ANPNPA), ainsi que l'association des réfractaires non violents, estiment que «le moment est en effet venu pour la France de reconnaître, du plus haut niveau politique, donc par votre voix, les crimes et les horreurs commis pendant les 132 ans que dura la colonisation de l'Algérie». Les initiateurs de ce communiqué écrivent que « malgré tout, une telle reconnaissance, qui ne serait ni repentance ni demande de pardon”, est “aujourd'hui la condition première pour une véritable reconnaissance de nos deux pays ». François Hollande déclarait le 17 juin 2014, à l'occasion de la remise du Prix Audin de mathématiques, en mémoire de Maurice Audin, jeune professeur et militant de l'indépendance de l'Algérie : « Depuis mon entrée en fonction, j'ai fait de l'exigence de vérité la règle à chaque fois qu'il est question du passé de la France. C'est cette exigence qui m'a guidé quand, à l'occasion de mon voyage à Alger en décembre 2012, j'ai rappelé notre devoir de vérité sur la violence, sur les injustices, sur les massacres, sur la torture ». Il reste encore à faire pour arriver à cette reconnaissance solennelle, claire et sans ambiguïté que les citoyens des deux rives attendent.