Face aux patrons des banques publiques, réunis jeudi au siège de la Banque d'Algérie, Mohamed Laksaci a insisté longuement sur une inévitable démarche «proactive» que devront adopter les banques, le plus tôt possible, en vue de l'impulsion du financement productif. Au sens du gouverneur de la Banque d'Algérie, la consigne est claire et non négociable, les banques doivent encourager l'investissement, à travers «des crédits sains et de qualité», en vue de permettre au pays de tendre le plus possible vers la croissance de 7% escomptée en 2015 par le gouvernement. Un message délivré par M. Laksaci, sous forme d'une feuille de route, à appliquer dès les mois à venir, après une série de «stress test», au sein de chaque banque, dès le mois de juillet. Le gouverneur qui s'exprimait lors de la rencontre intitulée «La stabilité macroéconomique en Algérie et le financement bancaire de la croissance», n'y est pas allé par quatre chemins, intimant aux PDG des banques d'être plus offensifs et de faire en sorte que les ressources accumulées ces dernières années soient mises à profit pour impulser «l'investissement productif». Sans se départir d'un ton parfois enjoué, le gouverneur de la Banque d'Algérie ne cachait pas pour autant sa forte détermination à mettre en branle la nouvelle dynamique censée faire, enfin, assumer aux banques publiques un rôle de moteur de la croissance. Face à certaines remarques des banquiers concernant les règles prudentielles, le gouverneur a notamment fait remarquer que «cela n'était pas particulier à l'Algérie», soulignant que les règles en question revues en 2014, sont «universelles» et «ne handicapent pas outre mesure la prise de risque et l'octroi de crédits». «La loi est la loi, il ne faut pas chercher à se défaire des instruments universels, ce n'est pas bien. Ce n'est pas faisable, il faut de‘‘l'ijtihad'' pour essayer de faire bouger les choses», a notamment dit M. Laksaci, ajoutant qu'«il ne faut pas attendre de la Banque d'Algérie autre chose que d'appliquer la loi et de se conformer à la mission de veiller à la stabilité financière du pays, telle que prévue depuis 2010 par la loi sur la monnaie et le crédit». Le plan d'attaque déroulé jeudi par le gouverneur de la Banque d'Algérie semble aller en droite ligne des directives gouvernementales prévues dans le cadre de la riposte imaginée par l'Exécutif pour faire face à la conjoncture difficile que traverse le pays. D'ailleurs, M. Laksaci parle d'un «choc externe de nature durable» subi par le pays et presse les banques d'impulser une nouvelle démarche, tant il est important à ses yeux de trouver la riposte au plus vite. Le gouverneur l'a clairement dit et à plusieurs reprises, les banques doivent «reprendre l'initiative» et se montrer plus démonstratives face à leur clientèle. En toile de fond, il a rappelé la prédominance de l'autofinancement dans l'investissement en Algérie, en dépit de l'épargne dormante dans les banques. Les chiffres assénés par M. Laksaci laissent apparaître ainsi que durant les neuf dernières années, 87% des investissements en Algérie ont été autofinancés, représentant essentiellement des investissements de l'Etat et du groupe Sonatrach. Les investissements hors hydrocarbures ont également été fortement autofinancés à hauteur de 59,7% durant la même période, alors que l'épargne des entreprises privées et des ménages, qui devait financer ces projets, s'est accrue sans que le secteur économique en profite, selon Laksaci. «L'Etat a suffisamment aidé les banques » Il est à relever que M. Laksaci a pris le soin, dès l'ouverture du débat, de préciser que ce qu'il exposait aux banques n'était pas un début de réflexion, mais bien une vision clairement définie au plan macroéconomique et qui doit être suivie, dans les mois qui viennent, d'actions concrètes au niveau microéconomique, au sein de chaque banque. «Au niveau global, tout est visible, mais il faut qu'au niveau des banques les choses bougent», a affirmé M. Laksaci, estimant que «dans ce nouveau contexte de choc externe, il faut tirer profit des ressources accumulées jusqu'en 2013 pour converger vers un nouveau financement de l'économie». Face aux PDG, dont quelques-uns paraissaient, malgré les explications données, un peu dubitatifs, le gouverneur s'est attelé à mettre en relief le fait que l'Etat a suffisamment aidé les banques publiques. Sans nuance aucune, le gouverneur de la Banque d'Algérie a rappelé à plusieurs reprises aux banques l'assistance dont elles ont profité de la part des pouvoirs publics. «Cela a coûté cher à l'Etat d'assainir les banques publiques et de leur donner les moyens dont elles avaient besoin, depuis 1991, grâce à l'argent de la collectivité.» Il a ajouté qu'aujourd'hui, c'est à elles de démontrer leurs capacités sur le terrain tout en tirant profit d'une série de mesures d'encadrement, telles que la prochaine mise en place de la centrale des risques et des possibilités de refinancement auprès de la Banque d'Algérie. Il a écarté cependant toute idée de recours à l'endettement extérieur, tel que souhaité par un PDG de banque qui a rappelé que la LFC-2009 avait interdit aux banques de recourir à cette possibilité. A ce propos le gouverneur a été tranchant, estimant que dans le contexte actuel, le recours à cet instrument n'est pas prévu dans la feuille de route, renvoyant encore et toujours les banques à la possibilité de refinancement par la Banque centrale. «Vous avez le guichet de refinancement. Si vous cherchez à changer les instruments réglementaires, ce sera difficile de fixer un bon cap et de prendre un bon élan alors que c'est le moment opportun de le faire», a précisé M. Laksaci. Celui-ci estimera que les dépôts à terme «doivent augmenter absolument» au regard de la prédominance des dépôts à vue qui constituent 80% du total dans les banques publiques. «Les investissements privés :un atout pour la croissance» Pour Mohamed Laksaci, le secteur bancaire a les moyens nécessaires pour relever le défi. «Nous ne sommes pas sans outil ou sans arme», a affirmé le gouverneur, ajoutant qu'au regard des ressources accumulées, notamment au sein des banques, elles doivent jouer leur rôle et «développer leurs moyens d'action à terme, par la promotion de produits financiers attractifs, notamment en termes de rendements réels». Le gouverneur a également estimé que «la réalisation du potentiel de croissance hors hydrocarbures devra être portée par des investissements productifs, notamment du secteur privé, en situation de poursuite du programme d'investissements publics à un rythme approprié». Pour Laksaci, «dans ce nouveau contexte de gap entre épargne et investissement, à partir de l'année 2014, il est attendu une croissance à travers notamment la valorisation dès 2015 de l'important potentiel de diversification des exportations». Le développement des secteurs productifs hors hydrocarbures, notamment l'activité des PME, nécessite désormais des fonds prêtables plus conséquents au profit de l'investissement.