L'obligation du paiement par chèque pour les transactions dépassant un million de dinars marquera-t-il la fin de la prédominance du cash dans le circuit commercial ? C'est du moins l'esprit du décret sur les transactions obligatoirement payables par chèque qui a été publié, après plusieurs reports, mercredi soir au Journal officiel. La volonté de reprendre le contrôle sur la masse monétaire en circulation est manifeste, même si l'obligation de paiement par chèque ne concerne, pour l'heure, que des segments plus ou moins maîtrisables, tels que l'acquisition de biens immobiliers, de voitures et véhicules roulants, ainsi que divers biens pouvant refléter l'aisance et la fortune de leur acquéreur. C'est à cet effet que le ministre des Finances, Abderrahmane Benkhalfa, a estimé jeudi, en marge d'une séance de l'Assemblée populaire nationale, que ce décret applicable à partir du 1er juillet va permettre aux banques de drainer la masse monétaire en circulation hors circuit bancaire. Selon le propos du ministre, repris par l'APS, une réunion devait être tenue avec les banques et établissements financiers pour préparer la mise en œuvre du nouveau mécanisme, ceci d'autant, a-t-il précisé, que «les banques ouvriront leurs guichets à partir du 1er juillet prochain pour recevoir tous les fonds qui sont hors circuit bancaire». M. Benkhalfa a insisté également sur le fait que «cette obligation de paiement par chèque bancaire pour les transactions commerciales dépassant les seuils fixés vise aussi à assurer le confort du citoyen et à lui sécuriser ses transactions et à les rendre plus faciles». Le premier argentier du pays a également voulu écarter les interprétations selon lesquelles cette mesure a été prise dans le cadre d'une prochaine amnistie fiscale, estimant que cette disposition entrait dans le cadre de la généralisation et du développement des moyens de paiement modernes à travers les circuits bancaires et financiers. Il a également expliqué que «cette mesure concerne tous les citoyens qui ont des liquidités et qui veulent continuer à travailler. Ces citoyens vont avoir plus de facilités avec les banques pour que ces liquidités soient traitées par chèque ou par virement». Et d'ajouter que les nouvelles dispositions «ne sont pas (en faveur) des comportements anti-économiques. Elles s'adressent tout d'abord à ceux qui sont dans la légalité». Et au ministre d'expliquer que la loi de finances complémentaire est en préparation et qu'elle n'a pas encore été finalisée, estimant que les rumeurs ayant circulé à ce propos ne sont que des «spéculations». Cependant, il est difficile de ne pas voir dans les nouvelles dispositions l'un des outils que le gouvernement entend mettre en œuvre pour aspirer les liquidités qui échappent au circuit bancaire. Le Premier ministre, Abdelmalek Sellal, avait d'ailleurs mis en avant, il y a quelques semaines, l'importance, dans la conjoncture actuelle, de la ressource contrôlée par la sphère informelle, qu'il a estimée à plus de 3700 milliards de dinars, soit près de 40 milliards de dollars. Il est donc difficile de ne pas lier les nouvelles dispositions du décret qui, rappelons-le, impose le paiement par les moyens scripturaux (chèque, virement, carte de paiement, prélèvement, lettre de change, billet à ordre), pour toutes les transactions immobilières de plus de 5 millions de dinars et les opérations d'acquisitions de véhicules neufs, d'équipements industriels, de yachts ou bateaux de plaisance, de biens de valeur auprès des marchands de pierres et métaux précieux, d'objets d'antiquité et d'œuvres d'art, ainsi que de meubles et effets mobiliers et corporels aux enchères publiques d'un montant supérieur à un million de dinars, à une volonté manifeste de débusquer les fortunes prospérant dans l'informel, sachant que ces éléments constituent la base de définition des impôts sur le patrimoine. Rappelons dans ce sens que les premiers éléments ayant fuité à propos des propositions contenues par l'avant-projet de LFC-2015, se penchent sur la possibilité d'une révision de l'impôt sur le patrimoine ainsi qu'un éventuel assainissement fiscal en proposant une taxation de 10% sur les bénéfices réalisés, comme billet d'entrée à ceux qui intégreraient leurs fonds au circuit bancaire.