En 2006, trois millions d'Africains vont mourir du sida : les gouvernements des pays riches et des pays africains sont responsables », indique le professeur Kamel Sanhadji au lendemain de la 16e Conférence internationale sur le sida, qui a eu lieu à Toronto (Canada) du 13 au 18 août 2006. La plus grande conférence internationale sur le sida, jamais tenue en 25 ans d'épidémie, a réuni plus de 30 000 participants. Un gigantisme à la hauteur de la situation : aujourd'hui, ce sont près de 40 millions de personnes qui vivent avec le sida. Dans un entretien à El Watan, l'éminent spécialiste algérien, qui dirige le laboratoire de recherches sur le sida à la faculté de médecine RTH Laennec de Lyon 1, revient sur le « mot d'ordre » des praticiens et des chercheurs qui suggèrent de « passer aux actes ». Pour le professeur qui a participé à cette réunion, célébrant aussi le dixième anniversaire des trithérapies, « la Conférence de Toronto s'est toutefois démarquée des précédentes ». Et de préciser : « En partie pour une raison d'organisation très cadrée, mais aussi parce que la donne a changé, les traitements de première ligne sont beaucoup plus largement accessibles dans les pays en développement. L'enjeu réside donc maintenant dans leur distribution, et dans la volonté politique de les porter jusqu'à la population. » L'approche est moins passionnelle, plus rationnelle. Les décisions ne sont plus systématiquement urgentes, mais réfléchies. Les acteurs aussi changent. Bill et Melinda Gates ont participé à cette rencontre, quelques jours après avoir annoncé consacrer 500 millions de dollars au Fonds mondial de lutte contre le sida. La manne financière ainsi allouée, relève Kamel Sahnadji, leur confère une place de choix au sein des discussions stratégiques. « Si cette arrivée du couple le plus riche du monde sur le devant de la scène ne va pas sans irriter certains, il est clair que dorénavant leurs prises de position comptent. Pour preuve, le manifeste de Bill Gates pour l'accélération de la recherche sur les microbicides a immédiatement projeté ce thème sous les projecteurs, alors qu'il n'était pas particulièrement attendu à la conférence », ajoute-t-il. Professeur des universités, directeur de recherches, Kamel Sanhadji a été désigné comme « reviewer » (sélectionneur des résumés des conférences soumises à la Conférence de Toronto).