Je n'arrive pas à rendre le moment festif», soupire Kahina Oucherif, en touillant le poulet qui cuit sur sa gazinière alimentée artisanalement pas des bonbonnes posées au sol. Cette jeune femme de 38 ans est divorcée et mère de trois enfants, Maïka, 9 ans, Malik, 10 ans, et Hacen, 17 ans. Après son divorce, Kahina s'est retrouvée dans les rues d'Alger. Un couple de bienfaiteurs lui a permis de s'installer dans leur garage, à Raïs Hamidou. Kahina travaille ponctuellement comme cuisinière lors de mariages, elle investit la plupart des sommes gagnées dans l'aménagement du lieu, qu'elle tente de rendre décent. Une autre voisine lui fournit de l'eau, tous les deux jours, par le biais d'un tuyau qui relie les deux habitations. La mer fait face au logement insalubre. L'hiver, lors d'une tempête, il a été inondé, ce qui a nécessité l'intervention des pompiers. Les hivers sont très rudes. Elle vit dans ces conditions depuis plus de six ans, dans l'attente de l'attribution d'un logement social. Jusqu'à présent, les responsables n'ont pas pris en compte son cas. La période du Ramadhan, synonyme de dépenses, complique les choses pour cette femme qui élève ses enfants seule. Elle demeure sans ressources propres. Elle a toutefois dressé de nombreux plats sur la table de son logement de fortune : chorba, boureks, chtetha djej, ham lahlou, chleta accompagné de matloue. Tout est succulent. Les boureks à la viande contiennent des olives. Et le poulet, généreux, est cuit de façon parfaite. Kahina a toutefois dû commencer les préparatifs à une heure très avancée, ne pouvant plus utiliser le gaz en début de soirée. Afin d'assurer la synchronisation de la cuisson des plats, et comme sa gazinière est capricieuse, elle a fait frire les boureks chez sa voisine. Malgré le repas chaleureux, cette mère a le cœur lourd, et le mois sacré ne parvient pas à lui redonner espoir.