Les émissions gastronomiques des nombreuses chaînes de télévision, particulièrement arabes, ont quelque peu modifié certaines de nos habitudes culinaires, notamment celles du mois de Ramadhan. Heureusement qu'il existe encore des régions qui ont su, contre vents et marées, garder leurs coutumes, la manière de préparer et de garnir la meïda, sans pour autant engager de grosses dépenses. D'autres facteurs, tels que les moyens de communication et de transport entre autres, l'enseignement, le passage des filles des zones rurales à l'université, ont également bouleversé ces valeurs à travers l'ensemble du territoire de la wilaya de Aïn Defla où les habitudes diffèrent d'une région à une autre. Ainsi, le bourek qui n'était qu'une spécialité des habitants de Miliana s'est répandu jusque dans les zones rurales où il est très demandé. Les diouls coûtent plus cher qu'en ville mais les gens se les disputent. A Matmata et la région du sud-est de la wilaya, les jeûneurs apprécient la viande caprine, la pastèque, le melon et la figue de Barbarie. A part la chorba qu'on prépare sans les herbes qui vont avec, le plat de résistance se limite à un ragoût de pomme de terre, de la frite omelette ou à une tchektchouka composée d'oignons, de tomates, de poivrons et d'œufs. A l'ouest de la wilaya, les spécialités culinaires n'existent pas à l'exception du couscous durant le s'hor. Ni El Attaf ni El Abadia, encore moins El Amra n'ont un mets particulier qui les distingue des autres régions. D'ailleurs dans ces localités et même à El Khemis, Djelida ou El Hassania, les hommes qui font le marché ne savent pas faire la différence entre la coriandre pour la chorba et le persil. Il est à signaler qu'à Miliana, certaines familles ont su garder les habitudes culinaires datant de l'époque turque. Les odeurs captivantes des plats qui mijotent, les goûts piquants et aromatisés, délicieux et parfois titillant le palais, des mets qui résistent resurgissent à chaque ramadhan. Une occasion pour se retrouver Faire mijoter sa chorba sur un kanoun en argile et avec du charbon de bois est un rêve pour beaucoup de Milianais. Chez khalti Khdaouedj, le feu de braise ne s'éteindra que le jour de l'Aïd. Pour cette gardienne des valeurs culinaires de la localité, âgée de 87 ans, le premier jour de ramadhan a une signification exceptionnelle puisqu'il regroupe toute la famille, les enfants, les gendres et les petits-enfants. Sa maison au quartier Annasseur devient exiguë avec tout ce beau monde. Pour cette occasion si chère à la grand-mère, elle a préparé avec ses filles et ses brus à manger pour 26 personnes, tous des jeûneurs, une chorba dont l'odeur est restée accrochée aux murs, du bourek humecté de citron vert à prendre avec la chorba, du osban de vigne, puisque la saison le permet, c'est-à-dire du hachis enroulé dans des feuilles de vigne et passé au four, des petits pois aux artichauts et à la viande de mouton, un plat bien mijoté, un methouem à la sauce épaisse, du l'ham lahlou (viande sucrée) préparé avec les prunes séchées de Zougala et une cherbet (jus de citron sucré). Même le pain est fait à la maison, des galettes et du pain cuit au four et fortement anisés. Khalti Khdaouedj a également préparé des confiseries pour la veillée, des qtayef, des cigares aux amandes, du tcharak, de la samsa que les convives ont pris avec du thé. «Le qalbellouz et la zlabia ne sont pas du terroir», affirme notre interlocutrice. Comme toujours, au moment du s'hor, tout le monde a pris le succulent couscous roulé à la main par la grand-mère, accompagné de petit-lait de vache acheté chez le crémier habituel. Certes khalti Khdaouedj n'est pas la seule à détenir les secrets de la cuisine traditionnelle de la région, mais elle est réputée du fait qu'elle a formé bénévolement des centaines de filles dans la cuisine et la confection de gâteaux.