Bien qu'êtant intervenu tardivement, le déploiement de la 3G a dopé les ventes des smartphones et autres tablettes en Algérie. Pour plus de 8 millions d'utilisateurs connectés à la téléphonie mobile de 3e génération, il n'est donc plus nécessaire d'être collé à son PC pour surfer sur internet. Aujourd'hui, pour deux des trois opérateurs de téléphonie mobile, la part de la 3G a dépassé les 40% en termes d'abonnés (voir tableau). Une progression rapide, mais qui est loin de profiter aux entreprises nationales du secteur dont les offres restent minoritaires sur le marché. Pour autant, près des 4/5 des utilisateurs de portables en Algérie ne sont pas connectés à la 3G, mais les tendances devraient changer rapidement, à en croire certaines recherches dont une qui prédit que les smartphones en 2015 devraient constituer 60% des nouveaux téléphones portables achetés par les utilisateurs (Ericsson, 2014). Selon l'Autorité de régulation des postes et télécommunications (ARPT), au cours de l'année 2014, avec l'arrivée de la 3G, les demandes d'agrément pour l'importation des équipements et terminaux de communication ont dépassé la barre des 1000 agréments, dont une hausse de près d'un quart pour les certificats d'agrément des terminaux 2G/3G et plus de 150% pour les certificats d'agrément des tablettes 2G/3G par rapport à l'année 2013. L'Autorité remarque «l'influence évidente de l'introduction de la 3G sur les équipements agréés (tablettes et Smartphones)». Mais si la 3G a vite fait des adeptes, ces derniers ne représentent qu'un cinquième du parc national de téléphonie mobile, soit un très gros gisement d'utilisateurs potentiels à conquérir par les équipementiers. En 2013, ce chiffre était de 13%, selon une étude sur l'Economie mobile dans les pays «arabes» (GSMA, 2014) (voir graphe) qui situait le taux de pénétration des smartphones dans l'ensemble de la région d'Afrique du Nord à 14%. Dans les pays du Golfe, ce taux dépasse les 33% avec des pays comme le Qatar et les Emirats arabes unis où le taux d'utilisation des smartphones atteint les 80% du parc mobile. Une situation qui reflète le niveau de développement des réseaux de téléphonie mobile. La 2G représentait encore 80% du parc mobile en Afrique du Nord, alors que dans les pays du Golfe 36% du parc mobile est relié à la 3G et la 4G. A long terme, l'étude prévoit que l'adoption des smartphones en Afrique du Nord dépasserait les 60% en 2020. L'exception En Algérie, le déploiement de la 3G profite déjà aux différents équipementiers étrangers qui sont nombreux à se disputer ce marché face aux rares marques nationales. Entre Samsung, LG, Nokia, Wiko, Sony, Apple et les algériens Condor et Iris (qui fait de l'assemblage à Sétif), le consommateur a l'embarras du choix. Mais, «si le marché est essentiellement orienté vers l'importation aujourd'hui, c'est faute de politique nationale pour le développement du secteur», explique un ancien cadre du secteur des TIC. Au milieu de la multitude d'offres étrangères, la marque nationale a l'air bien esseulée, même si pour Condor les chiffres sont encourageants pour ses modèles de téléphones et tablettes. A peine quelques mois après le lancement, la marque avait déjà écoulé plus de 350 000 unités. En 2014, le PDG du groupe, Abderrahmane Benhamadi, parlait de 800 000 unités vendues entre smartphones et tablettes soit autour de 16% d'un marché qu'il estime à 5 millions d'unités. Le reste du marché est comme pour beaucoup d'autres produits comblé par les importations. Selon des chiffres des douanes algériennes relayés par la presse, plus d'un tiers des importations en valeur d'appareils de téléphonie mobile en Algérie (estimées à un milliard de dollars en 2014), est constitué de smartphones et tablettes. Le groupe algérien compte sur l'engouement des consommateurs et sur le patriotisme économique pour augmenter ses parts de marché, même si les smartphones Condor sont en réalité estampillés Made in China. Pour Farid Farah, spécialiste des TIC, cela n'est pas étonnant que cela, car il y a bénéficie «d'un faible coût de production». Tous les fabricants du monde et pas seulement ceux de la téléphonie vont en Chine pour produire. «C'est le marché le plus rentable», de ce point de vue-là. Pour l'ancien cadre du secteur, «commencer par de l'assemblage SKD, CKD est un processus normal dans les TIC comme dans l'automobile, et puis si l'opérateur algérien gagne plus en important qu'en fabriquant, le choix est vite fait. Il est économique, il n'est pas moral». Valeur ajoutée Si le produit algérien est made in China, quelle valeur ajoutée pour l'économie algérienne ? Par ailleurs, ce choix a parfois valu à Condor d'être accusé de copier les modèles chinois, ce que le groupe a catégoriquement démenti. «Nous ne copions pas les fabricants chinois de smartphones», a déclaré à la presse le PDG du groupe. Certes, les composants sont chinois, mais la conception est quant à elle algérienne. «L'engeneering réside dans la conception préalable de ce que l'on veut, et cela Condor le fait assez bien avec un store d'applications et du contenu», observe un spécialiste du secteur. Par ailleurs, la qualité est jugée satisfaisante pour certains experts, excellente, pour d'autres. «Au moins, il vend et vend sa marque», commente-t-on. Pour Farid Farah, Condor est en train de lancer «une véritable IT en Algérie», bien que ses smartphones ne sont pas montés en Algérie. Mais fabriquer des smartphones ou tablettes 100% algériennes est-il impossible ? Pour Farid Farah, Condor le fera sans doute «dans les prochaines années». Dans ce domaine, il ne serait pas si différent des autres compagnies africaines du secteur. C'est «une feuille de route suivie par toutes les sociétés du domaine en Afrique. On va en Chine au départ et deux ou trois ans plus tard on lance une usine de montage localement». Avantage Pourtant, fabriquer le produit localement serait autrement plus avantageux pour le consommateur algérien. «Un smartphone qu'on ramène de Chine à 120 ou 130 dollars vaudrait normalement 20 à 30 dollars s'il était fabriqué localement», indique le spécialiste. Le cas de l'Allure 9, le smartphone le plus fin au monde que Condor commercialise à 39 000 DA et «qui pourrait en coûter 20 000 s'il était produit en Algérie». Mais «ce sont des produits de la haute technologie, il faut un partenariat étranger, de la compétence et il faut qu'ils soient aussi concurrentiels et performants que ceux de la concurrence», explique notre interlocuteur. Pour le moment, les entreprises nationales qui ont entrepris de tels investissements ne sont pas nombreuses, même si toutes celles qui fabriquent des produits de l'image et des supports à base d'écrans sont potentiellement capables de fabriquer des smartphones et des tablettes, nous explique-t-on. Pour l'expert en TIC et ancien cadre du secteur, la configuration des entreprises algériennes (97% de TPE) «plaide davantage pour la sous-traitance et le développement de contenus que pour la fabrication de produits TIC». Certes, «la recherche de ‘‘niches'' est possible, mais leur développement exige des incitations tarifaires qui les rendent compétitives par rapport aux produits d'importation». Or, si les entreprises ont du mal à investir dans ce secteur, c'est par ce que «l'environnement en Algérie ne le permet pas», estime Farid Farah, en évoquant les problèmes de «coûts, de douanes, d'agréments, d'homologation, etc.». Autant de pain sur la planche pour les responsables du secteur s'ils veulent en améliorer les performances et la contribution de ce dernier à l'économie du pays. En 2013, le chiffre d'affaires des trois opérateurs mobiles avoisinait les 300 milliards DA, soit plus de 60% du chiffre d'affaires consolidé de tout le secteur des télécommunications, selon l'ARPT. Pourtant, la part de ce dernier dans le PIB ne dépassait pas les 2,8%.