Le diagnostic de l'établissement est alarmant : mauvaise gestion, négligence du personnel, gaspillage sous toutes ses formes, dilapidation de l'argent public et beaucoup d'autres défaillances. En dépit de son énorme budget, des compétences humaines et des moyens matériels, le CHU Dr Benbadis souffre depuis des années d'une mauvaise gestion qui affecte la qualité des prestations offertes aux malades, et donne une triste image d'un établissement destiné à être un pôle régional dans le domaine de la médecine. Hier, son directeur général, Kamel Benyasaâd, installé il y a six mois, a dévoilé lors d'une conférence de presse animée au siège de la direction, l'image d'un établissement malade, en état de grâce, et gangrené par divers scandales et autres dépassements cumulés durant des années, et que les anciens gestionnaires ont étouffés. «Quand j'ai élaboré le bilan de cet établissement, j'étais sous le choc. La situation est catastrophique, elle a pris de l'ampleur et devient de plus en plus grave. À un moment donné, j'ai cru qu'il est impossible de trouver une solution à ces problèmes», a-t-il déclaré. Pour le nouveau DG, le diagnostic du CHU est alarmant : mauvaise gestion, négligence du personnel, gaspillage sous toutes ses formes, dilapidation de l'argent du CHU et beaucoup d'autres défaillances. Benyassaâd citera surtout les cas des services non fonctionnels depuis 5 ans, comme celui de la raothérapie au CAC et celui de l'ophtalmologie. Ce qui pénalise les malades, contraints d'aller se soigner chez le privé à des prix exorbitants. «Les autres services fonctionnent avec le strict minimum de compétences, sans oublier que les 17 wilayas de l'Est nous transfèrent leurs patients anarchiquement et quotidiennement. Les directeurs des différents établissements hospitaliers et les DSP des autres wilayas doivent assumer leurs responsabilités ; j'étais au courant de la situation de cet établissement, mais j'étais plus choqué en me trouvant à l'intérieur», a-t-il ajouté. Il ne manquera pas de porter l'entière responsabilité sur ses prédécesseurs qui, selon lui, n'ont pas fait preuve de rigueur. Des milliards non consommés Le conférencier révélera que le CHU a bénéficié en 2014 de 900 milliards de centimes. «Malheureusement cet énorme budget n'a pas été exploité pour le bien du malade et de l'établissement», a-t-il ajouté. Où est passé donc cet argent ? D'après les déclarations de Kamel Benyasâad, un expert a été désigné pour éplucher les comptes et déterminer la somme d'argent «perdue». Cet expert dira s'il s'agissait de gaspillage, de détournement de fonds ou d'autres choses. «J'ai constaté que, durant l'année écoulée, 2% seulement des fournisseurs ont été payés, 60% des employés ont vu le règlement de leurs paiements. J'étais contraint de régler la situation de l'année précédente et celle de cette année», a-t-il précisé. Le DG a souligné aussi que 15 milliards de centimes ont été consacrés pour la nourriture des malades au sein du CHU, mais seulement 3 milliards ont été dépensés, au moment où les patients se plaignaient de la mauvaise qualité des plats servis. «J'ai enregistré une grande quantité de matériel périmé, tel les prothèses, d'une valeur de 3 milliards de centimes, alors que des milliers de patients à Constantine en ont besoin», a-t-il signalé. Ce n'est pas tout. Le conférencier a expliqué que le problème des réactifs ne devrait pas se poser, du moment que 29 milliards de centimes sont réservés pour l'achat de ces produits. «Plus grave que cela, j'ai découvert quatre échographes endommagés à l'aide d'une pierre ou d'un marteau, dont l'un coûte plus d'un million de dinars», poursuit-il. Quatre plaintes et des sanctions La situation qui prévaut au CHU depuis de longues années prouve encore une fois qu'une véritable mafia est en train de sévir dans ses différents services, au mépris de la loi et de la déontologie. Tout cela pour pousser le malade vers les cliniques privées, ayant des intérêts occultes avec plusieurs médecins. Pour le DG, l'anarchie qui caractérise la plupart des services est devenue intolérable. «J'ai déposé des plaintes en justice contre des responsables de certains services pour abus de pouvoir, négligence et destruction des biens du CHU», a affirmé Kamel Benyassaâd. Et de poursuivre : « J'ai même constaté que des médecins et des employés ont loué leurs logements de fonction du CHU pour 18 000 DA le mois. Certains sont à la retraite et ils refusent de libérer ces appartements». Concernant le matériel vétuste, notre interlocuteur a affirmé que son remplacement est en cours. Evoquant les mesures disciplinaires, le DG a rappelé qu'il a sanctionné 76 employés (médecins, agents et autres) de différents services. «Je vous cite par exemple, qu'au niveau du service de la maternité, nous avons 63 femmes de ménage, mais j'ai trouvé une seule qui travaille pendant le mois du Ramadhan», a-t-il soulvé. A noter que lors de notre présence au CHU, nous avons appris qu'une commission d'inspection, dépêchée par le ministère de tutelle, était présente au niveau du service d'ophtalmologie, pour établir son rapport. Ce service, fermé depuis des années, se trouve dans un état déplorable.